“Ça vaut la peine d’être entêté”
(St. Luc: dimanche, le 20 août, 2017;
Mathieu 15.21-28)
Bonne
nouvelle? De prime abord, l’évangile
d’aujourd’hui ne semble pas trop être une “bonne nouvelle”. Une femme,
qui cherche désespérément à trouver un moyen de mettre fin à la souffrance de
sa fille, vient vers Jésus pour lui demander de l’aide. D’abord, il l’ignore et ensuite, il lui traite
de chien! Qu’est-ce qui se passe ici? Jésus, était-il de mauvaise humeur cette
journée-là? Jésus, est-ce qu’il fait
preuve ici de racisme? Qu’est-ce qu’on
est censé comprendre dans ce récit? Comme
d’habitude, lorsqu’on se penche sur des épisodes dans la vie de Jésus, c’est
important de connaître l’historique afin de comprendre pourquoi les choses se
passent de cette manière.
La
guérison facile? La réputation de
Jésus comme guérisseur était loin d’être un secret en Palestine au premier
siècle. La nouvelle s’est répandue que
Jésus de Nazareth avait le pouvoir de sauver les gens de toutes sortes de
maladies, dont plusieurs, le croyait-on, qui étaient causées par des puissances
démoniaques. C’est intéressant de noter qu’avant
et après le récit de la femme Cananéenne, on retrouve des histoires ou Jésus se
trouve en territoire juif, opérant des guérisons sur une grande échelle et
nourrissant des grandes foules avec seulement quelques pains et quelques
poissons. Dans ces deux récits de
multiplication des pains et de multiples guérisons, on emmène les malades vers
Jésus, et il les guérit, tout simplement! À la fin du chapitre 14 de l’évangile de St.
Mathieu, des gens ont été guéris simplement en touchant le bord du vêtement de Jésus! Quand
Jésus se retrouve parmi son peuple à lui, il semble être très généreux avec son
pouvoir et refuse la guérison à personne. Mais alors cette Cananéenne se présente…
Israël
& “les nations”. Alors que la
femme crie au secours, Jésus prononce la phrase suivante aux disciples: « Je
n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues
du peuple d’Israël »; autrement dit, j’ai été envoyé en mission en faveur
du peuple choisi de Yahvé, le peuple juif. Cette phrase nous fait remonter jusqu’au temps
d’Abraham dans le livre de la Genèse. Dieu
a choisi Abraham pour être le « père » d’une nouvelle nation, un
peuple choisi par Dieu afin de lui appartenir en propre. Comme un rabbin l’a dit alors qu’il commentait
le livre de la Genèse : « si jamais Adam gâche les choses, alors Abraham
va tout rétablir ». Cependant, être
mis à part par le Créateur comme son peuple spécial impliquait aussi une grande
responsabilité. L’autre côté de la médaille
se trouve dans ce que Dieu a dit à Abraham par la suite: « Toutes les familles de la terre seront
bénies à travers tes descendants » (Gn. 12.1-3). Le voilà – Israël n’avait pas été choisi simplement
pour être le « chouchou » de Dieu; la nation d’Israël était choisi
par Dieu plutôt afin d’être ses représentants auprès des autres nations de la
terre, pour être ses agents de salut. Israël
sera le porteur de la solution au dilemme de la rébellion du monde contre son
créateur. Peu importe la manière et peu
importe le moment auquel la solution arrivera, ce sera bel et bien à travers Israël – tout comme Jésus avait dit à
la femme samaritaine dans l’évangile de St. Jean : « le salut vient
du peuple juif » (Jn. 4.22).
Privilège
ou mission? Cependant, l’Ancien
Testament démontre que fois après fois, Israël a regardé son statut de peuple
choisi comme étant une question de privilège,
et elle a oublié que d’être choisi par Dieu impliquait le fait d’être envoyé en
mission vers le reste du monde afin de faire bénéficier toutes les nations du salut de Dieu. Les juifs considéraient souvent les non-Juifs,
les païens, comme étant moins qu’humain. Dans certains textes de l’Ancien Testament, la
nation d’Israël est représentée par des êtres humains, alors que les nations païennes
sont symbolisées par des bêtes montreuses. Bien entendu, lorsque les empires païens sont
en train de vous attaquer, de raser votre Temple, de massacrer vos citoyens et
d’exiler votre population, c’est plutôt facile de vouloir étiqueter votre
ennemi comme étant un « monstre »…
Une
partie du problème. Peut-être ça ne
devrait pas nous surprendre, mais Israël elle aussi s’est rebellé contre Yahvé,
en adorant d’autres dieux et en refusant d’écouter les prophètes qui lui disait
de retourner à l’obéissance à la loi de Dieu, d’être fidèle à l’alliance que
Yahvé avait établi entre lui-même et son peuple. Le
peuple de la solution était devenu lui-aussi, une partie du problème. C’est comme si une ambulance qui se dirige vers la scène d’un accident fais elle aussi
une collision. Maintenant l’ambulance et
son équipage, qui étaient censé secourir les victimes de l’accident original,
ont besoin, eux-mêmes, qu’on les vienne en aide. Israël avait été choisi par Dieu pour être l’agent
du salut pour le monde entier, mais là, Israël, elle aussi, a besoin d’être
sauvé afin que le salut de Dieu puisse s’étendre, « aux extrémités de la
terre », à tous les peuples. À la
fin de l’évangile de St. Matthieu, le Jésus ressuscité envoie des apôtres en mission
afin de faire de toutes les nations
des disciples de Jésus (cf. Mt. 28.18-21). C’est intéressant que Jonathan Sacks, l’ancien rabbin-en-chef du Royaume Uni, a dit que l’Église
chrétienne, à travers son activité missionnaire toute à travers le monde, avait
fait ce que Israël était censé faire – apporter le message du Dieu créateur à toutes
les nations de la terre.
Le roi-berger. Donc Jésus vient comme étant le Messie promis – le roi
d’Israël, le fils de David, le bon berger – qui rassemblera le troupeau
dispersé de Dieu et ainsi renouveler l’alliance entre Israël et son Dieu afin
que le plan de Dieu d’apporter le salut au monde entier puisse aller de l’avant.
Jésus appelle 12 apôtres à sa suite, un chiffre
qui nous fait penser au nombre de tribus israélites à l’époque de Moïse. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis
perdues du peuple d’Israël ». Et
cependant, dans les Évangiles, c’est les païens qui font preuve souvent d’une
grande foi dans l’autorité de Jésus d’opérer des guérisons (Mt. 8.5-13). Dans le cas d’un militaire romain qui est venu
à Jésus pour lui demander la guérison de son serviteur, Jésus a dit que, parmi
son propre peuple, il n’avait pas trouvé une foi aussi grande que celle de ce
militaire païen. Dans la deuxième
lecture d’aujourd’hui, St. Paul parle même des Juifs qui jalousaient les païens
qui accueillaient l’évangile de Jésus, qui est le Messie d’Israël, et par
conséquent, du monde entier. Comme roi
(Fils de David), Jésus représente la
nation d’Israël, qui, lui, représente
toutes les nations de la terre. C’est bien ça la logique biblique de la
rédemption. « Je n’ai été envoyé qu’aux
brebis perdues du peuple d’Israël »; le troupeau original doit d’abord être
rassemblé avant que les « autres brebis » - les païens – puissent s’intégrer
à l’unique famille afin qu’il y a « un troupeau, et un berger » (Jn. 10.16).
Déterminée. Nous ignorons la connaissance théologique de
cette Cananéenne, mais certaines
choses sont assez claires à son égard – elle reconnaît que Jésus est le
véritable roi d’Israël; elle l’appelle le « Fils de David ». Elle a de la foi dans son pouvoir de guérir sa
fille. Jésus annonçait que le royaume de
Dieu devenait réalité, et les signes principaux de la présence du royaume étaient
des guérisons – des individus étaient sauvés sur le plan personnel de toutes
les forces du mal qui les rendaient esclaves.
Cette femme cherche non seulement désespérément de l’aide pour sa fille;
elle est entêtée. Cette femme païenne
fait preuve du genre de foi qu’on retrouve chez plusieurs personnages
bibliques. Pensons à Abraham qui a négocié
avec Dieu alors qu’il essayait d’empêcher la destruction des villes de Sodome
et Gomorrhe, ou bien Jacob qui a
lutté toute la nuit avec l’ « ange du Seigneur » jusqu’à ce qu’il reçoive
une bénédiction, ainsi qu’un hanche disloqué. Cette foi résiliente s’agit d’une foi qui
présume une relation de confiance. Il s’agit
de la confiance qu’on retrouve entre
deux personnes qui se sont engagé l’une envers l’autre pour s’aimer et se
soutenir mutuellement. On peut le
comprendre lorsqu’un membre du peuple choisi de Yahvé démontre une telle foi en
Dieu, mais que cette femme – cette étrangère aux promesses de Dieu – soit assez
courageuse d’agir comme si elle fait partie de l’alliance et ait accès à la
miséricorde de Dieu, c’est tout à fait
extraordinaire! Cette femme ne se laisse pas arrêter! Elle ne se décourage pas, même face au
silence de Jésus, même face au désir des disciples qu’on se débarrasse d’elle,
même face à l’insulte que Jésus lui lance. Elle n’acceptera
pas non comme réponse. Elle a
reconnu en Jésus Celui qui a le pouvoir du Dieu d’Israël de guérir sa fille et
elle ne lui laissera pas tranquille avant qu’il ait exaucé sa demande.
Pourquoi? Et pourtant, la question nous guette encore: pourquoi? Pourquoi Jésus tarde à guérir sa fille?
Il semble que Jésus met sa foi à l’épreuve, une autre chose que le Dieu
biblique a tendance à faire. Est-ce que
cette femme a réellement compris qui est Jésus? Peut-être elle lui prend pour un magicien
itinérant. Est-ce qu’elle croit que
Jésus parle et agit avec la voix et le pouvoir du Dieu créateur? La lutte persévérante de cette femme lui
révèle – et révèle à Jésus – la force de
sa confiance en Dieu. Sa résilience
lui prépare à recevoir le grand don que Jésus lui fera éventuellement. Ne
soyons pas timides dans la prière.
La prière est un dialogue de confiance entre nous et notre créateur. Au-delà de comment Dieu décide de répondre à
nos requêtes, Dieu désir avoir cette conversation avec nous. Quel statut dignifié que nous avons – nous sommes ceux et celles qui parlent avec Dieu! Puisons de courage dans l’histoire de cette
femme et croyons qu’alors que nous continuons à persévérer dans la prière pour
nous-mêmes et pour nos bien-aimés, la volonté de Dieu sera faite dans nos vies
comme au ciel. Amen.
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