DOULEUR & DÉSESPOIR CHEZ JÉRÉMIE: LAMENTATIONS 3 & 4/6

 


     La troisième lamentation se trouve en Jér. 15, 10-21.  Encore une fois, « les méchants » et « les puissants » sont après Jérémie (15, 21).  Jérémie regrette d’avoir été né (cp. Job 3, 1-6).  Encore une fois, on retrouve le langage juridique : Jérémie est « un homme de querelle (hb : rib, c.-à-d. « litige ») et de dispute » (15, 10).  Non seulement Jérémie prétend ne pas avoir commis de faute, mais il insiste également qu’il intercède en faveur du peuple depuis un certain temps contre Yahvé, qui lui, profère des menaces d’exécuter des jugements contre le peuple.  Donc, pourquoi Jérémie se fait-il persécuté?[1]  En Jér. 15, 14, Yahvé affirme que sa colère est un feu éternel (voir Jér. 17, 4,27).  La lamentation qu’on retrouve en 15, 15-21 contient trois parties : une pétition (v. 15b), une affirmation d’innocence et de fidélité (vv. 15c-17) et une plainte (v. 18).  Comme dans la première lamentation (11, 20), Jérémie demande à Dieu de lui venger de ses persécuteurs (15, 15).  La demande de « ne lui rendre pas victime » (15, 15; c.-à-d. « ne lui enlever pas la vie ») démontre à la fois le fait que Jérémie soit conscient que sa vie est en danger et aussi son désir de continuer à vivre.  Jérémie continue en accusant Yahvé non seulement d’être la cause de sa souffrance, mais aussi de l’avoir abandonné volontairement pour qu’il fasse face, seul, aux attaques de ses adversaires.[2]  En 15, 18, Jérémie accuse Yahvé de nouveau, cette fois-ci d’être aussi faux et aussi peu fiable qu’un oued lors d’une sécheresse (voir Jér. 2, 13; 17, 13).  Alors qu’il annonce un désastre national imminent, Jérémie vit l’angoisse que la nation de Juda vivra une fois qu’elle se trouve en exil en Babylone.  Comme Jérémie est persécuté par ses concitoyens, et se plaint auprès de Dieu, les Judéens au Babylone vont se plaindre auprès de Yahvé, le Seigneur de l’alliance.[3]  La promesse de Yahvé d’être avec Jérémie pour lui délivrer – tel qu’on la retrouve dans le récit de sa vocation (1, 18-19) – est répétée en 15, 20 (voir 15, 12).

     La 4e psaume de lamentation se trouve en Jér. 17, 14-18.  Jérémie demande que ses ennemis puissent vivre les choses desquelles il cherche à se sauver, à savoir : la honte, le fait d’être effrayé, le jour du malheur et la destruction.  L’hostilité de la prière est surprenante, mais Jérémie prie avec l’audace qui caractérise la tradition d’Israël depuis l’époque de Moïse.  Le langage de cette prière démontre que la relation entre Jérémie et Yahvé est caractérisée par une communion intense.  Celui qui prie est rempli avec la douleur et la rage, et il remet la vengeance à Dieu.[4]  De telles plaintes sont habituellement exaucées par un oracle de rassurance.  Dans ce poème, par contre, il n’y a pas de réponse.  L’hostilité à laquelle Jérémie fait face de la part de ses adversaires est égalée par le silence de Dieu.  Ce silence n’est pas expliqué – il s’agit simplement d’une réalité dans cette vie de foi angoissée.  Le prophète vit lui-même l’absence de Yahvé, qui se trouve à être le destin d’Israël.[5]



[2] Brueggemann, Walter, A Commentary on Jeremiah, pp. 146-47.

[3] Ibid, p. 150.

[4] Voir Bonhoeffer, Dietrich, Psalms: The Prayer Book of the Bible, Minneapolis: Augsburg, 1974 [1966], p. 57, où, commentant les « psaumes imprécatoires » (ceux dans lesquels le psalmiste prie que Dieu juge ses ennemis), Bonhoeffer insiste que le croyant qui reprend ces psaumes aujourd’hui doit enlever de son esprit toute pensée de vengeance personnelle et que seulement celui qui est innocent vis-à-vis ses ennemis peut remettre la vengeance à Dieu.

[5] Voir Brueggemann, Walter, A Commentary on Jeremiah, pp. 163-65.

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