« Comment faire pour prier? » (St. Luc : jeudi, le 21 juin, 2018 : Ben Sira le Sage 48, 1-15; Ps. 96; St. Mt. 6, 7-15)




Obtenir ce qu’on veut. Comment s’y prendre pour avoir ce qu’on veut dans la vie? À moins qu’on soit né avec une cuillère en argent dans la bouche, il va falloir qu’on se donne des moyens pour avoir ce dont on a besoin pour vivre, et au-delà de ça, il va falloir qu’on s’arrange pour obtenir ce qu’on désir. Pour la plupart d’entre nous, ceci veut dire qu’il nous faudra se mettre au service de ceux qui peuvent nous verser un salaire, de celles qui sont en mesure de nous permettre de gravir les échelons. Comme ça, on se retrouve au sein de « la patente sociale », à jouer au « jeu de la vie ». Souvent, en tant que croyants, on a tendance à penser que Dieu joue selon les mêmes règles que tout le monde. Peut-être on se dit qu’on ait un avantage vis-à-vis Dieu, compte tenu du fait qu’on assiste à la messe, qu’on lui fasse des prières, etc. Parfois, l’image qu’on se fait de Dieu ressemble étrangement au Père Noël. Comme dit la chanson pour enfants intitulée « Santa Claus is Coming to Town » : « Fais bien attention, surtout ne pleure pas; Ne sois pas grognon, je te dis pourquoi; Le père Noël arrive en ville; Il dresse une liste vérifiée deux fois; Il saura qui est méchant ou gentil… » Voilà! On a juste à être gentil et le « grand-papa cosmique » va nous donner un bonbon. À part cette fausse image qu’on peut se faire de Dieu, on peut avoir l’idée nuisible que la prière s’agit simplement de demander à Dieu – ou bien à Marie ou aux saints – qu’il nous donne les choses dont nous ne sommes pas capable de nous procurer avec nos propres moyens…
La bonne formule. Bon, quelle est la formule au juste pour bien prier? Comment communiquer avec la seule personne qui peut nous donner ce dont nous avons réellement besoin? Comment parler à quelqu’un qui nous aime et qui désir nous combler et pourtant ne se laisse pas manipuler? Que faire pour parler à quelqu’un à qui on doit tout, et qui pourtant désir tout nous donner? Comment entrer en dialogue avec quelqu’un auquel on ne peut rien apprendre, et qui désir pourtant qu’on lui parle? Comment s’y prendre pour prier un Dieu tout-puissant, qui est tout à fait transcendent – c.-à-d. hors de notre portée et compréhension – et qui pourtant se laisse connaître et désir entrer en relation avec nous, qui désir que nous unissions notre volonté à la sienne? Comment prier un Dieu qui veut vivre en harmonie avec nous, qui veut faire de nous ses enfants, ses collaborateurs dans ses desseins pour sa création? Autrement dit, comment « apprivoiser » un Dieu indomptable, le Créateur de toutes choses, le Dieu de l’alliance? L’évangile d’aujourd’hui s’agit de la réponse de Jésus à ces questions.
Retour au centre. Une petite ligne dans la prière que Jésus nous a laissée permet à ses disciples d’avoir la bonne compréhension de c’est quoi la prière : « Que ta volonté soit faite ». Ces quelques mots nous révèle une grande vérité – nos désirs ne s’agissent pas de l’essentiel; nous ne sommes pas au centre; au contraire, c’est la volonté de Dieu qui compte. Tout doit graviter autour de ça. Encore là, Jésus nous montre la cible qu’on doit viser en tant qu’enfant de Dieu – unir notre volonté à celle du Père. Comme Jésus a prié dans le jardin de Gethsémané : « non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Mt. 26, 39). Voilà le but de la prière – non pas de convaincre Dieu de nous donner des choses; de toute manière, notre Père sait déjà de quoi nous avons besoin – le but s’agit plutôt de découvrir quelle est la volonté du Père et de faire en sorte que les désirs de Dieu deviennent les nôtres.
« Reality check ». Le « Notre Père » est une prière qui nous ramène sur le plancher des vaches, qui nous ouvre les yeux pour que nous puissions voir la réalité telle que Dieu la voit. Depuis la semaine passée – et jusqu’à la fin du mois – on lit dans le « Sermon sur la Montagne ». Ces paroles inoubliables de Jésus qui ont été prononcées il y a 2,000 ans de cela n’ont perdues aucune de leur force; en fait, elles nous proposent un grand défi chaque fois qu’on en fasse la lecture. Ce sermon nous invite à concevoir la vie autrement, à vivre d’une autre manière – non pas dans la crainte, la concurrence et la violence, mais plutôt dans la confiance, la compassion et la paix. La vie telle qu’elle nous est présentée dans ce sermon s’agit d’une existence menée dans une confiance absolue au Père céleste, une confiance qui nous libère, même des soucis quotidiens. Ce sermon nous invite à faire confiance à notre Père au point de pouvoir se rendre vulnérable au mal, à la haine, à la violence, sachant que lorsque nous souffrons pour le bien, nous sommes « heureux » (Mt. 5, 1-12). Ce sermon nous présente la vie au sein du royaume des cieux, une vie à laquelle on est invité à gouter alors qu’on se retrouve encore sur la terre.
C’est pour où, le royaume? Donc, Jésus nous invite à prier pour que la volonté du Père se fasse, mais où ça? Dans nos cœurs? Sûrement, mais ce n’est pas cela que le Seigneur nous dit ici. D’accord, peut-être on devrait demander pour que la volonté divine se fasse au ciel? Ça va de soi – la volonté de Dieu se fait toujours au ciel. Non, Jésus nous demande de prier pour que la volonté du Père se fasse sur la terre. Jésus nous exhorte de prier pour que le règne du Père devienne réalité ici-bas, là où nous nous trouvons. Si nous faisons cette prière, nous nous trouvons déjà disponibles pour être des agents de ce règne, des agents de l’accomplissement de la volonté divine. Comme St. François a prié, « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix… » En prononçant les paroles du « Notre Père », nous nous engageons à travailler pour que le projet du royaume de Dieu se réalise dans notre monde. Encore une fois, le simple fait de faire cette prière va réorienter nos désirs. Le « Notre Père » nous invite à faire de la réalisation du royaume de Dieu sur la terre notre plus grande aspiration.
Le royaume du pardon. Il y a maintes manières de hâter l’arrivée du royaume des cieux, mais pour le moment, regardons juste quelques lignes plus loin dans la prière que Jésus nous a laissée. « Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs ». Bien entendu, la portée du sens du mot « dettes » ici inclut les dettes morales, les offenses qu’on ait pu subir de la part d’autrui. Mais, ceci n’enlève aucunement le sens littéral du mot « dettes ». Comme pour faire en sorte qu’on ne passe pas trop rapidement sur cette partie de la prière, St. Mathieu nous rappelle cette notion du pardon toute suite après l’ « Amen » qui clôt le « Notre Père ». En fait, Jésus nous dit – non pas pour la dernière fois (voir Mt. 18, 21-35) – que notre pardon par le Père est conditionnel au fait que nous ayons pardonnés à ceux qui nous ont offensés. C.S. Lewis a dit qu’ « Être chrétien signifie pardonner ce qui est inexcusable parce que Dieu a pardonné l’inexcusable en nous ». Nous avons tous reçu le pardon de Dieu, et nous sommes appelés à être des agents du pardon tout autour de nous. Le « Notre Père » nous invite d’arrêter de se regarder le nombril afin de chercher le royaume de Dieu et de pardonner à nos prochains. Encore une fois, on se retrouve face au défi d’observer les deux plus grands commandements. Que notre Père céleste nous accorde le vouloir et le faire de vivre une justice qui surpasse celle des scribes et des Pharisiens. Mère Teresa a dit : « Si véritablement nous désirons aimer … nous devons apprendre à pardonner ». Que notre Père qui es aux cieux nous accorde le courage de pardonner et ainsi apprendre à aimer. Amen.

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