« Comment faire pour aimer? » (St. Luc : jeudi, le 07 juin, 2018 : 2 Tm. 2, 8-15; Ps. 24; St. Mc. 12, 28-34)
La théorie
vs. la pratique. Combien d’entre vous ont un téléphone cellulaire? Maintenant,
combien d’entre vous pourront m’expliquer comment
fonctionne un cellulaire? Notez bien – je ne vous demande pas de m’expliquer
comment me servir de mon cellulaire;
je présume qu’on sait tous comment faire des appels et comment envoyer des « textos ».
Ce que je vous demande, c’est plutôt de me décrire comment toutes les pièces minuscules collaborent pour faire en
sorte que moi, avec mon appareil, je peux peser sur un piton et ainsi rejoindre
quelqu’un d’autre qui se retrouve à l’autre bout du pays? Ça, c’est d’autre chose. Effectivement, on n’a
pas besoin de savoir grande chose sur comment notre cellulaire fonctionne afin de pouvoir s’en servir. Inutile de se casser la tête; si jamais nous avons un problème,
nous pouvons toujours nous rendre à la boutique pour qu’on nous arrange notre
appareil – ou peut-être nous convaincre d’acheter un modèle plus récent, « mieux
équipé » et, bien entendu, plus
dispendieux…
L’essentiel
de la loi. Dans l’évangile d’aujourd’hui, un scribe s’approche de Jésus
et lui pose une question : « Quel
est le premier de tous les commandements ? » Autrement dit, il demande
à Jésus ce qu’il lui faut absolument
savoir; parmi les 613 commandements, quel était celui auquel il fallait
obéir afin d’être sûr de se retrouver sur
le droit chemin, afin d’être sûr de vivre d’une manière fidèle à l’alliance
avec Yahvé? Ce scribe ne ressent pas le
besoin de tout savoir sur la théologie; il veut simplement savoir quel est
l’essentiel de la loi afin qu’il puisse faire ce qu’il a à faire, point. Jésus lui répond : aimes Dieu de tout ton cœur, de toute
ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force et aimes ton prochain comme toi-même. D’une part, c’est assez simple; d’autre part, c’est la chose la plus difficile qu’il n’y a pas. Observer
le sabbat, adorer qu’un seul Dieu, ne pas tuer des gens – ces commandements
sont assez faciles à respecter. Mais aimer,
aimer d’une manière qui reflète l’amour de Dieu – ça, c’est une autre paire
de manches. Comme vous le savez très bien, quand on arrive à aborder le sujet
de l’amour, notre manière de parler nous laisse souvent tomber; on utilise le
vocabulaire de l’ « amour » d’une manière tellement facile, tellement
« gratuite », que la notion de l’amour perd souvent son sens.
L’amour
véritable. Il reste que chez Jésus, on a un exemple réel de l’amour véritable. St. Jean nous dit : « Dieu
a tellement aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique… » (Jn. 3, 16). Jésus est le don de Dieu au monde qu’il a
créé. L’amour authentique donne tout ce
qu’il a à donner, même ce qu’il a de plus précieux, pour le bien de l’autre. Il me semble que la raison pour laquelle
on trouve cela tellement difficile à vivre, c’est parce qu’on a peur. Afin d’aimer réellement, il nous faut nous rendre vulnérable. Dans le cas de Jésus, ceci
est une évidence – en Jésus, Dieu se rend vulnérable,
vulnérable à tous les défis de la condition humaine, au rejet, à la douleur, même
à la mort. Jésus, en tant qu’homme, a choisi de mener une vie d’amour, au lieu d’une
vie d’égoïsme; il a choisi de vivre en faisant confiance à son Père céleste, au lieu de prendre toutes les mesures
possibles pour se protéger, pour créer sa propre sécurité vis-à-vis toutes les
choses qui nous menacent dans cette vie – la solitude, la pauvreté, l’échec, la
faiblesse, le fait de dépendre des autres, etc.
Le courage
d’aimer. Comment ça se fait que Jésus ait eu le courage de vivre de cette manière? Comment il a fait pour vaincre la crainte, de résister à l’instinct de vouloir se
protéger à tout prix, de refuser de
se servir de tous les mécanismes d’auto-défense avec lesquels nous sommes
tellement familiers? Nous trouvons la réponse à notre question au tout début du
récit évangélique – au moment où Jésus se rend au Jourdain afin de se faire
baptiser par Jean, son cousin. « …en remontant de l’eau … (Jésus a entendu)
une voix venant des cieux : « Tu es mon
Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » (Mc. 1, 10-11). Voilà le secret du courage de Jésus.
Comme Jésus savait qu’il était le Fils bien-aimé du Père, il n’avait pas à
chercher ailleurs pour se faire valider ou pour se sentir en sécurité. Jésus
puisait sa force et son courage dans la
réalité du lien d’amour avec le Père dont il jouissait. Il me semble que la
plupart d’entre nous goûtent à cette réalité que d’une manière éphémère; une expérience qui est commune
à la plupart d’entre nous peut nous donner une
petite idée de ce à quoi ressemble – peut-être – la réalité vécue par
Jésus. Je parle de l’expérience de tomber
en amour avec quelqu’un. Lorsque nous sommes en amour avec quelqu’un – et l’autre
personne est, elle aussi, en amour avec nous – nous « trippons »,
nous avons un nouvel élan, nous nous sentons apprécié, désiré, en confiance;
nos tracas nous semblent négligeable, on dirait que tout nous est possible –
bref, c’est merveilleux. L’expérience
de tomber en amour ne s’agit qu’une aperçu tout
à fait inadéquat de l’amour de Dieu, de l’amour que Jésus a expérimenté de
la part de son Père céleste.
Afin de
pouvoir aimer, croyez-vous aimés. Voilà notre défi – si nous
désirons mener une vie d’amour, à la
suite de Jésus, il nous faut nous accrocher auprès de cette réalité
fondamentale de notre existence. Je parle de la réalité de l’amour de Dieu pour chacun/e d’entre nous. De notre vivant, nous n’allons
jamais comprendre jusqu’à quel point Dieu
nous aime. Mais au point que nous allons comprendre combien nous sommes
aimés par Dieu, voilà la mesure où nous
serons capables d’aimer véritablement à notre tour. Il reste que le Dieu qui a créé l’univers, qui nous a
tissés dans le sein de nos mères – ce Dieu là nous a donné son Fils, Jésus nous
a donné sa vie – au point de se laisser crucifié – le Père a ressuscité Jésus d’entre
les morts, et une fois qu’il a été intronisé à la droite du Père, le Fils a donné l’Esprit à ses
disciples afin qu’eux aussi pouvaient jouir de la réalité de l’amour qui existe
entre le Père et le Fils. St. Augustin a dit que l’Esprit Saint, c’est l’amour
qui est « respiré », « soufflé » entre le Fils et le Père.
C’est bien cet Esprit-là que nous avons reçu en tant que Chrétiens, en tant qu’enfants
de Dieu. Dans les paroles de St. Paul : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et
vous ramène à la peur ; mais vous
avez reçu un Esprit qui fait de vous des filles/fils
; et c’est en lui que nous crions « Abba ! » (Rm. 8, 15). Que le Dieu trinitaire
nous donne à comprendre davantage son amour pour nous, afin que nous pouvons, à
notre tour, l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre
esprit et de toute notre force, et d’aimer nos prochains comme nous-mêmes. Que notre
Père céleste nous remplit du courage qu’il nous faut pour mener des vies d’amour,
ayant Jésus comme notre modèle. Amen.
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