« Veux-tu vraiment vivre? » (St. Luc: jeudi, le 24 mai, 2018; Lettre de St. Jacques 5, 1-6; Ps. 48; Marc 9, 41-50)
Veux-tu vivre? Le 26
avril 2003, Aron Lee Ralston – un homme de 27 ans – faisait de la randonné dans
les canyons de l’Utah. Au moment donné, Aron emprunte un tunnel étroit et pour
descendre plus bas dans ce tunnel, il s'appuie sur un rocher coincé entre les deux
murs du canyon. Le rocher ne supporte pas le poids d'Aron et se déloge. Aron
dégringole dans le canyon suivi par le roc de plusieurs centaines de kilos, qui
écrase et coince sa main droite contre la paroi. Après avoir tenté de libérer
son bras, Aron se rend à l'évidence : il est bloqué et personne ne viendra à
son secours. Il a sur lui moins d'un litre d'eau et seulement deux barres de
céréales en guise de nourriture. Pendant
six jours et cinq nuits, Aron essaye en vain toutes les options possibles
pour se sortir du canyon : soulever le rocher en utilisant ses cordes et ses
mousquetons en guise de poulies, utiliser son canif pour faire sauter des
petits fragments du rocher, espérant ainsi le déloger, crier à l'aide ou,
dernière possibilité, tenter de couper le
bras prisonnier. Malheureusement, après deux tentatives infructueuses, il
se rend compte que sa lame émoussée ne lui permettrait jamais de couper les os
de son avant-bras, étant à peine assez affûtée pour entamer la peau. Finalement,
Aron a l'idée qui lui sauvera la vie : à défaut de pouvoir trancher les os de
son avant-bras au canif, il est en mesure de les casser, puis de couper la
peau, la chair et les tendons autour de la fracture. Animé d'un nouvel espoir,
il procède aussitôt à l'amputation et, au bout d'une heure et cinq minutes, parvient
à se délivrer du rocher. Depuis cet événement traumatique, Aron continue à
faire de l’escalade et de la randonné, il s’est marié et a eu 2 enfants; Aron
travail, entre autre, comme conférencier motivateur. Aron a écrit un livre racontant son histoire, et
un film, inspiré du livre, est apparu en 2010.
Un « leadership » paradoxal. « Si ta main est pour toi une
occasion de chute… » L’évangile
d’aujourd’hui s’agit d’un enseignement assez sévère de la part de Jésus. Bien que Jésus ne s’attendait pas à ce qu’on
prend ces paroles au pied de la lettre, ce n’enlève rien de leur lucidité et l’ampleur
du défi qui nous propose cet enseignement. (Par contre, au long de l’histoire de l’Église,
certaines personnes ont effectivement faite une lecture [et une application!] littérale de ce passage. Pensons à Origène d’Alexandrie…) L’évangile d’aujourd’hui s’agit de la fin d’une discussion entre Jésus et les
disciples. Cette discussion a
commencée quelques versets plus haut et a été initiée par Jésus suite à une
dispute parmi les 12 apôtres au sujet de qui
d’entre eux était le plus grand (Mc. 9, 33-37). À ce moment-ci de leur cheminement avec Jésus,
les apôtres étaient extrêmement enthousiasmés avec l’idée d’être les collaborateurs du Messie. Ils rêvaient des postes et des titres importants
dont ils étaient pour jouir une fois que Jésus était établi « dans sa
gloire », ils songeaient du respect qu’on était pour les accorder – eux,
les proches du roi. Afin de contrer l’arrogance
des disciples, Jésus a placé un enfant au milieu du cercle et a dit aux 12 :
« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le
serviteur de tous » (9, 35). Voilà
le contexte des paroles dont on vient de faire la lecture. Les valeurs du royaume de Dieu sont aux
antipodes des valeurs « du monde ». Au lieu de rivaliser, les apôtres devraient
chercher à se mettre au service les uns des autres. Voilà le paradoxe du « leadership »
chrétien – il s’agit d’une autorité qui s’exerce par le moyen du service.
St. Paul a fait l’avertissement suivant
à Timothée :
« Le responsable (l’évêque)
doit être irréprochable… Il ne doit pas être un nouveau converti ; sinon,
aveuglé par l’orgueil, il pourrait
tomber sous la même condamnation que le diable » (1 Timothée 3, 2.6).
St. Jacques, lui aussi, nous
avertit des dangers qui sont reliés au fait d’être « enseignant » :
« Mes frères, ne soyez pas
nombreux à devenir des maîtres : comme vous le savez, nous qui enseignons,
nous serons jugés plus sévèrement » (Lettre de St. Jacques 3, 1).
Ceci est une leçon qui sera
assez difficile pour les disciples de comprendre (voir Mc. 10, 35-45).
On vous observe. En parlant
ainsi, Jésus souligne l’importance pour les apôtres d’être conscient du rôle qu’ils
vont jouer au sein du peuple de Dieu. Jésus va les établir comme les dirigeants
d’une nouvelle communauté, celle du royaume; ils seront des modèles pour tous ceux
et celles qui croient en Jésus, incluant les « petits ». Le terme « petit »
(grec : mikros) ne désigne pas
que des enfants, mais bien tous ceux et
celles qui sont « faibles » de quelque manière que ce soit, ou bien
ceux qui sont « vulnérables ». Comme les apôtres sont appelés à être
des responsables de la communauté composée de ceux qui croient en Jésus, ils se
doivent d’assurer qu’ils ne deviennent jamais des « causes de scandale »
(« occasions de chute ») pour les membres de la communauté. Les apôtres doivent veiller à protéger la foi
de toutes et de tous, surtout les « petits ». Évidemment, on s’attend à ce que les
dirigeants chrétiens évitent le péché. Mais
dans ce passage, Jésus ne parle pas que des péchés « sensationnels ».
Il ne traite pas que des péchés dont les
médias nous parlent. Après tout, les « mains »,
les « pieds » et les « yeux » s’agissent des membres importants
du corps. En soi, ils ne sont pas « mauvais ».
Mais le défi que Jésus lance aux disciples dans ce passage est celui de sacrifier
même les bonnes choses qui pourraient faire en sorte qu’un membre de la
communauté soit « scandalisé ». L’important, c’est que chaque membre
de la communauté puisse s’épanouir dans la foi. Tout ce que ne contribue pas à
cet objectif doit être éliminé.
Que veux-tu? Pour Aron Ralston, l’objectif était de survivre. Son avant-bras était pour l’empêcher
de réaliser son objectif; donc, il l’a
coupé. En empruntant un langage très
imagé, Jésus veut nous faire réaliser qu’il nous faut le même genre de
détermination et de « focus » qu’avait Aron Ralston. Sommes-nous prêts à poser des gestes
drastiques, non pas pour notre propre
bien, mais plutôt pour le bien de nos sœurs et frères dans le Seigneur? Jésus
décrit les conséquences d’échouer à la mission de bien s’occuper des « petits »
en empruntant deux images – d’abord, celle de la noyade, et ensuite celle de brûler
dans le feu de la géhenne. Ces deux images parlent de la destruction totale de la personne en question. Mais Jésus nous
offre une deuxième option – celle de la « vie », la vie éternelle. À
travers ce langage imagé, Jésus nous pose une question directe : « Qu’est-ce que tu désires réellement? »
« Désires-tu la gloire éphémère de ce monde, veux-tu jouir brièvement de
la reconnaissance humaine, ou bien veux-tu vivre éternellement, dans la gloire
de Dieu? » Aron Ralston ne voulais pas finir ses jours au fond du canyon;
il voulait vivre! Désirons-nous vivre réellement? Que le Seigneur nous
accorde d’avoir une aperçu de la vie à
laquelle nous sommes destinés, une aperçu qui a nous motiver à mettre de côté
tout ce qui nous gêne alors qu’on suit le Seigneur sur la voie du disciple. Amen.
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