« Qu’est-ce que je fais ici? » (St. Luc: Solennité de la Sainte Trinité – dimanche, le 27 mai, 2018)





Ou devrais-je être?  Avez-vous déjà vécu l’expérience d’entrer dans une pièce et ensuite d’oublier pourquoi vous étiez là?  Si c’est votre cas, vous n’êtes pas le seul de vivre parfois des moments de distraction.  On raconte l’histoire suivante au sujet de G.K. Chesterton (1874-1936), ce grand défenseur du Christianisme qui a vécu au début du 20e siècle: « Ce monsieur, qui mesurait 6’4’’ et pesait environ 300 livres, fumait des cigares sans arrêt, et se promenait avec une cape sur les épaules ainsi qu’un chapeau froissé, des lunettes toutes petites perchées sur le bout de son nez, une canne à la main, éclatant de rire, ce qui faisait balancer son moustache.  La plupart de temps, il n’avait aucune espèce d’idée où se passera son prochain rendez-vous, ou bien à quel moment la rencontre aura lieu.  Écrivain, il rédigeait la plupart de ses œuvres dans les stations de train, dû au fait qu’il avait l’habitude de rater son train. Une belle journée, M. Chesterton a envoyé un télégramme à son épouse – c’était l’époque où les cellulaires n’existaient pas – en lui disant : « Je me trouve présentement à la station de ‘Market Harborough’.  Où devrais-je être? »  Ça se peut que vous vous sentiez un peu comme ça ce matin.  Vous vous trouvez à la messe et peut-être vous vous interrogez : « Mais qu’est-ce que je fais ici? »  Peut-être on vous a invité de venir à la messe, ou bien vous êtes là aujourd’hui afin de souligner un moment important dans la vie d’un proche, ou peut-être vous êtes là pour la simple raison que vous ne vous rappelez pas de la dernière fois que vous n’êtes pas venu à l’église à 10h45 le dimanche matin.  Peu importe la raison pour laquelle vous êtes là, j’aimerais vous dire deux choses : d’abord, « Bienvenu », et deuxièmement, « Vous êtes exactement là ou vous devriez être ». Ceci peut très bien paraître une chose étrange à dire, mais il reste que souvent, notre expérience de la vie chrétienne – voir, de la vie tout court – ressemble à l’expérience d’entrer dans la fameuse pièce et se demander « Qu’est-ce que je fais ici? »
Nous voilà.  Il reste que la plupart d’entre nous sont là aujourd’hui parce qu’au moment donné il y a bien des années de cela, quelqu’un a décidé de nous faire baptiser.  On ne nous a pas consultés pour voir si nous pensions que cela était une bonne idée.  Quelqu’un d’autre a pris la décision pour nous… et donc, nous voilà.  En effet, la vie commence aussi de cette manière.  Personne ne nous a demandé si nous voulions venir au monde.  Pour emmener les choses un peu plus loin encore, les origines de l’univers se sont passées, elles aussi, de cette manière.  Notre foi chrétienne nous enseigne que l’univers n’est pas venu à l’existence par hasard ou bien de son propre gré; au contraire, le Symbole des Apôtres – que nous allons proclamer en quelques instants – nous dit que l’univers a été créé par Dieu, le Dieu qui s’est révélé comme Père, Fils et Esprit saint.  À partir de la perspective de notre Foi, tout s’agit d’un don – l’univers lui-même ainsi que chacune de nos vies. Nous n’avons pas demandé la vie; la vie nous a été donnée.  « Nous voilà, en vie au sein du monde que Dieu a créé ».  Au moment donné lors de notre petite enfance, nous avons constaté que nous étions « ici »; et éventuellement, ça se peut que quelqu’un nous ait montré une photo sur laquelle on voit un monsieur habillé dans un genre de robe et qui tente de nous noyer – eh, je veux dire, un monsieur qui laisser couler l’eau tout doucement sur notre front alors qu’on nous tient au-dessus d’un font baptismal.  Et donc, nous voilà – en vie au sein de l’Église, peut-être pour recevoir notre Première Communion.
Libre? Ça se peut qu’on trouve tout cela un peu troublant, de penser à toutes ces décisions qui ont été prises à notre place – encore-là, elles ont été prises alors qu’on n’en était pas conscient.  Après tout, nous avons tendance à croire que c’est bien nous qui sommes en contrôle de nos vies, et que la véritable liberté s’agit de la capacité de faire des choix et de décider de faire et d’être ce que nous voulons. C’est vrai, nous sommes libres; mais qui nous a donné cette liberté et que devrions-nous en faire?  En 2014, un film portant le nom « Le Passeur » est sorti en salles.  Basé sur un romain rédigé par Lois Lowry (1993), Le Passeur s’agit de l’histoire d’une société futuriste et post-apocalyptique où on a pris des mesures drastiques afin d’éviter toute compétition et tout conflit afin d’assurer la paix et l’ordre. Les membres de cette société dystopique mènent des vies qui sont strictement régies par l’état – en fait, personne n’a à prendre des décisions importantes. Au sein de cette société, l’état « crée » des familles en faisant des couples avec les hommes et les femmes qu’on estime étant compatibles l’un avec l’autre. Ensuite, on confie des enfants aux couples afin qu’ils les élèvent.  Lorsque les enfants atteignent un certain âge, on leur assigne une profession pour laquelle on leur aurait jugé capable et qui est en harmonie avec leur personnalité.  Tous les membres de cette société « idéale » demeurent dans le même type de maison et reçoivent chaque jour une allocation normée de nourriture. Des doses quotidiennes de médicaments font en sorte que les émotions de tous restent apaisées.  Plus encore, un seul membre de cette société – le « passeur » - a des souvenirs d’une époque où les choses se passaient autrement. Le personnage principal de l’histoire est un garçon nommé Jonas qui se fait sélectionner pour être le prochain « passeur ». Alors qu’on lui donne accès à des souvenirs de la race humaine à travers l’histoire, Jonas constate que l’amour peut seulement exister dans un monde où les gens ont du libre arbitre, la liberté de faire des choix pour eux-mêmes – même si cette liberté ait souvent des conséquences désastreuses. C’est bien ceci qu’on retrouve dans la Bible, une histoire d’un monde dans lequel les humains sont libres – libres de jouir de leur identité de créatures de Dieu, ou bien de rejeter leur statut de créatures afin de prétendre être eux-mêmes Dieu. Voilà le choix qu’on est libre de faire.
Notre boussole. Notre foi chrétienne nous dit qui nous sommes, nous nous trouvons, et pourquoi nous sommes là. Nous sommes les créatures qui portent l’image du Créateur, nous nous trouvons au sein du monde que Dieu a créé et nous avons été créés pour aimer et pour être aimé. Le Créateur lui-même nous a donné la définition de l’amour – le moment où Jésus est mort sur la croix était le moment lorsque Dieu le Père a démontré c’est quoi l’amour au juste. L’amour véritable donne tout ce qu’il a à donner pour le bien de l’autre.  Dieu nous a donné la vie; cependant, la plupart de temps, on choisit de rejeter son amour et de vivre d’une manière orgueilleuse et égoïste.  Dieu nous a donné son Fils pour qu’il nous montre comment vivre et comment aimer, de nous pardonner notre orgueil et notre égoïsme et pour vaincre toutes les forces du mal par sa mort sur la croix et finalement, de vaincre la mort par sa résurrection.
Dieu ou moi?  Donc, nous voilà – nous nous trouvons au sein de la communauté qui nous enseigne la Foi, la Foi qui nous dit d’où nous venons et ce à quoi nous sommes destinés.  Nous sommes libres – libres d’être obsédés avec nous-mêmes ou bien d’être en amour avec Dieu. Voilà le paradoxe au sein de la perception chrétienne de la liberté.  Si nous insistons à faire les choses à notre guise, nous devenons – non pas des gens libres et épanouis – mais plutôt des esclaves – condamnés à servir les forces du mal qui sont en rébellion contre le Créateur et qui cherchent notre perte.  D’autre part, si on s’abandonne entre les mains de Celui qui nous a donné la vie, alors on devient vraiment libre de pouvoir jouir du don du Créateur. Et voilà pourquoi l’Église est là – elle s’agit de l’école où on apprend comment devenir véritablement humain.  Nos enseignants par excellence sont les saintsces femmes et ces hommes qui ont passés leurs vies à s’abandonner à l’amour de Dieu et de se laisser transformer par ce même amour, et qui sont arrivés à vivre réellement.  Que le Dieu trinitaire, le Dieu qui est amour, nous permette tous d’expérimenter cette plénitude de vie.  Amen.

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