« Aux barricades! » (St. Luc: jeudi, le 12 avril, 2018; Actes des Apôtres 5, 27-33; Ps. 33; St. Jn. 3, 31-36)
Pour changer le monde. Question :
Que faire pour changer le monde? Réponse : il faut du pouvoir! Problème :
les dirigeants actuels ont le pouvoir et c’est grâce à eux que les choses sont
dans cet état lamentable! Solution : on va leur enlever le
pouvoir et on va diriger à leur place! À
nous de changer les choses pour le mieux.
Que la révolution commence! Cette rhétorique nous est familière. Chaque politicien blâme son prédécesseur pour
les problèmes actuels du pays. Chaque
aspirant à la direction du pays promet de changer les choses, une fois qu’il
ait le pouvoir de le faire. « Votez
pour moi, et les choses vont s’améliorer ». De nos jours, au sein de nos démocraties
occidentales, il s’agit simplement des paroles.
Mais il avait un temps ou des actions concrètes ont découlés du
discours révolutionnaire. Pensons à la France
à la fin du 18e siècle. L’assemblée
nationale a été formée afin de défendre la cause du peuple vis-à-vis une
monarchie absolue qui prétendait régner avec le « droit divin ». Inspirée par la devise « Liberté,
égalité, fraternité », l’assemblée a réussie à se débarrasser du roi et de
former une nouvelle forme de gouvernement qui était censé établir la justice au sein de la société française.
Il reste qu’établir une société juste n’est
pas chose facile. Lors de « la
Terreur », au-delà de 16,000 personnes ont été décapitées sur la place
publique sous l’égide du « comité du salut public ». Et voilà le dilemme qui se retrouve chez toute
révolution qui use de la violence pour atteindre ses objectifs. Ceux qui prétendent être les « libérateurs »
deviennent souvent des pires oppresseurs que les tyrans qu’ils viennent de
déposer…
Changement de régime. Pourquoi je parle de révolution ce matin? Bon, c’est justement ça qu’on retrouve dans le
livre des Actes des Apôtres. Les apôtres
du Jésus sont en train de déranger le statut
quo religieux et social à Jérusalem et les dirigeants officiels du Judaïsme
– c.-à-d. le Sanhédrin, sous la
direction du Grand Prêtre – se dressent contre eux afin de préserver « l’ancien
régime ». Les apôtres ne savaient
rien d’une foi chrétienne qui était limitée à la conscience de chaque croyant
ou bien sa « vie intérieure ».
La foi des apôtres leur a poussée sur la place publique afin d’y annoncer
le Jésus ressuscité comme Roi d’Israël
et Seigneur du monde, peu importe les
conséquences. Et, comme on voit dans nos
premières lectures ces jours-ci, il y
avait des conséquences. Voilà le
paradoxe de la foi chrétienne – animés de joie parce que Jésus était ressuscité
et remplis de la puissance de l’esprit saint, les apôtres vivent de la
persécution, ils sont traînés en justice, emprisonnés, menacés et battus. Il n’y a
pas de révolution sans conflit et l’évangile a toujours été un message
controversé. Et, soyons très clair
sur ce point, la résurrection de Jésus d’entre
les morts a provoqué une révolution. Dans le livre de l’Apocalypse, la révolution est décrite comme suivant :
« Le royaume du
monde a passé maintenant aux mains de notre Seigneur et de son Messie. Il
régnera éternellement » (Apoc. 11, 15).
La Bible s’agit
de l’histoire de comment le Créateur a repris le « pouvoir » sur son
monde, le monde dont les forces du mal avaient subjugués. Bien entendu, afin d’être cohérent avec lui-même,
le Créateur ne peut pas vaincre les
forces du mal en usant le mal. Le
Créateur adopte une stratégie qui paraît être la pure folie – il appelle Abraham à être le « père » d’une
nouvelle humanité et le Créateur chemine avec le peuple d’Israël pendant 2,000
ans. Finalement, il a envoyé son Fils afin
que le Fils se charge de tout le mal du monde comme l’agneau de Dieu. Une fois ressuscité, le Fils envoi ses
messagers jusqu’aux extrémités de la terre pour annoncer la nouvelle que c’est
bien lui, Jésus de Nazareth, qui est le Souverain de toute la création de Dieu.
Guerre civile. Mais pourquoi
c’est le Sanhédrin – et non pas les Romains – qui persécute les apôtres au prime abord? À l’époque de Jésus et les apôtres, être
membre du peuple de Dieu – c.-à-d. être Juif – était déjà chose controversée. Les Juifs se voyaient comme étant la véritable
humanité alors que les nations païennes étaient considérées comme étant vouées
à l’ignorance et ultimement, à la destruction lors du jugement dernier. Le problème se trouvait dans le fait que c’était
justement les empires païens qui opprimaient le peuple de Dieu, et ceci, depuis
des siècles. Être Juif était une
garantie qu’on était pour te persécuter. Jésus et les apôtres faisaient partie d’un
peuple qui devait constamment être vigilant face à l’oppression païenne. Jésus – et les apôtres à leur tour – ont été
persécutés par leurs confrères juifs
à cause qu’on les voyait comme étant des traîtres, comme étant des gens qui
nuisaient au « front commun » qu’on voulait maintenir contre l’influence
païenne. Comme c’était le cas lors de la
révolution française – et comme c’est le cas actuellement en Syrie – la
situation en Palestine à l’époque des apôtres était assez complexe. En fait, il y avait plusieurs conflits qui se
déroulaient en même temps. Les
Romains opprimaient les Juifs, et les autorités juives persécutaient leurs
confrères qui semblaient abandonner la pratique fidèle des traditions
ancestrales. Voilà le contexte dans
lequel un jeune homme de nom de Saul de Tarse a joué son rôle, d’abord de
protecteur du Judaïsme « orthodoxe », et ensuite, celui d’apôtre de
Jésus de Nazareth. Ce qu’on voit dans le
livre des Actes des Apôtres, c’est que les disciples de Jésus sont pris entre deux feux – comme Juifs, ils sont
ciblés par les Romains et comme disciples de Jésus, ils sont ciblés par les
autorités juives. Voilà, si on voulait
avoir la vie facile en tant qu’habitant de Jérusalem au premier siècle, il ne fallait absolument pas qu’on se joigne
aux disciples de Jésus…
La révolution de Jésus. Donc, les apôtres propagent la révolution « étrange »
que Jésus avait lancée. Leur seule arme
est leur « témoignage » au sujet de la résurrection. Comme c’est marqué dans le livre de l’Apocalypse :
« Eux-mêmes l’ont
vaincu par le sang de l’Agneau, par la parole dont ils furent les témoins… »
(Apoc. 12, 11).
Lors de son
ministère, Jésus avait averti les apôtres au sujet de la persécution qui
leur attendait:
« Le disciple n’est
pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur… » (Mt. 10,
24).
Tout comme
Jésus, les apôtres sont traînés devant le Conseil suprême juif comme des
criminels. Mais les apôtres n’agissent
pas en victimes passives – au contraire, Pierre – comme d’habitude – prend la parole et accuse, lui, les membres du
Sanhédrin du meurtre de Jésus. Il faut le faire! Encore là, Pierre annonce au Conseil qu’ « il
leur faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes! » En refusant d’obéir à l’ordre du Conseil de
ne plus parler de Jésus, les apôtres sont en train de pratiquer la désobéissance civile. En désobéissant à l’ordre du Conseil, les apôtres obéissent à Dieu. Ce faisant, ils accusent les dirigeants du
Judaïsme d’être des rebelles contre
le Dieu qu’ils prétendent représenter! Ils ont du front… Il faut le répéter – le Sanhédrin ne désirait
pas supprimer les apôtres parce qu’ils avaient adoptés une nouvelle manière de prier ou parce qu’ils éprouvaient des nouveaux sentiments religieux. Non – on craignait les apôtres au point de
vouloir les tuer parce qu’ils
prétendaient qu’à travers la résurrection de Jésus, Dieu avait effectué un
changement fondamentale dans le monde réel. Il avait des conséquences très pratiques
qui se découlaient de ce changement – le peuple de Dieu ne sera plus organisé
autour du Temple de Jérusalem et son hiérarchie. Le Créateur
– par l’entremise de son Esprit – était
en train de réorganiser son peuple autour de Jésus et la communauté qui lui était loyale. Depuis maintenant 2,000 ans, Dieu effectue du
changement dans le monde à travers son peuple – composé de gens de toutes les
nations. Oui, à bien des moments, l’Église
a commis l’erreur de chercher à avoir un pouvoir mondain et de s’en servir à la
manière du monde. Il reste qu’il y a
encore de travail à faire. Joindrez-vous à la révolution? Amen.
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