« Ne passez pas votre vie à chercher » (St. Luc: jeudi, le 22 mars, 2018; Gn. 17, 3-9; Ps. 104; St. Jean 8, 51-59)
Ne passez pas votre vie à
chercher. Vous rappelez-vous de votre dernier voyage
dans le sud? Gardez-vous des souvenirs
des couchers du soleil sur l’océan, du son hypnotique des vagues qui se
déferlaient sur la plage? Il y a
quelques années de cela, la compagnie de voyage « Expedia » a fait une annonce qui a passé à la
télévision. Dans l’annonce, on voit un
homme et une femme assis à un de ces kiosques/bars qu’on retrouve souvent aux
stations de vacances. L’homme raconte tous
les efforts qu’il a faits en parcourant le monde afin de trouver l’endroit
idéal pour s’évader : « J’ai cherché encore et encore, et j’ai enfin trouvé
ce paradis », lui dit-il. Ensuite,
la femme sort sa tablette et décrit au « grand voyageur » qu’elle a
tout simplement fait une recherche sur le site web www.expedia.ca et comme ça, elle a pu planifier son voyage de rêve
en toute simplicité. L’expression qui apparaît sur le visage
du monsieur à ce moment-là vaut mille mots…
L’annonce termine avec une voix qui dit « Ne passez pas votre vie à
chercher ». N’est-ce pas frustrant parfois lorsque quelqu’un nous
surprend en train d’exercer des grands efforts inutilement et ensuite nous
montre un moyen beaucoup plus facile d’atteindre notre objectif? On dirait qu’on a l’impression que le moyen facile ne respecte pas tous nos
efforts – bien qu’ils n’avaient rien donnés…
2,000 ans d’attente. Il y a quelque chose de semblable qui prend
place dans l’évangile de St. Jean. Depuis
mardi, on lit dans le chapitre 8. Encore
une fois, on retrouve Jésus en train d’entretenir un vif débat avec « les
Juifs », c.-à-d. les « Judéens », les habitants de la province
de la Judée. C’est important de
comprendre qu’il n’y a rien de péjoratif
dans la manière dont St. Jean se sert de l’expression « les Juifs » -
après tout, Jésus – lui aussi – était Juif.
Il n’y a pas de question du racisme ici (bien qu’à certains moments
de l’histoire chrétienne, des dirigeants politiques se sont servis des textes
de ce genre pour des fins néfastes). Voilà,
Jésus était membre du peuple de Dieu, le peuple Juif, le peuple dont Abraham était
l’ancêtre. Quelques 2,000 ans avant
Jésus, Yahvé avait choisi Abraham, avait établi une alliance avec lui, et lui
avait fait des grandes promesses – tout d’abord,
la promesse d’une descendance innombrable et deuxièmement, qu’à travers sa descendance, toutes les nations de la
terre seront « bénies » - c.-à-d. que la malédiction du péché sera
annulée et que l’humanité toute entière sera libérée de l’emprise du mal à travers la nation d’Israël. C’est quelque chose – à l’époque de Jésus, ça
faisait 2,000 ans que la nation d’Israël existait. Quelle
histoire – le voyage d’Abraham vers le Canaan, les siècles passés en Égypte
comme esclaves, l’exode avec Moïse, le don de la loi au Mt. Sinaï, la conquête
de la Terre Promise sous la direction de Josué, les règnes des rois célèbres comme
David et Salomon, le désastre de l’exile en Babylone, moment auquel le peuple
avait retracé les pas d’Abraham (en sens
inverse), ensuite le retour vers Jérusalem pour rebâtir la ville ainsi que
la nation. Et depuis ce moment-là, l’attente – des siècles d’attente pour que Yahvé réalise les promesses faites
à Abraham, des siècles vécus sous l’emprise des empires païens. Et pourtant, chaque année, on célébrait les fêtes
– dont la Pâque – dans l’espérance qu’un
jour, Yahvé – le Dieu d’Israël et le Créateur de toutes choses – agira en
faveur de son peuple. Un jour…
2,000 ans de foi, de rébellion, de repentance, de guerres, de
déplacements, de culte, de liturgie, de prière, d’espérance, de déception, des
efforts redoublés…
Un moins que rien venu de
nulle part. Et là, un
Galiléen du nom de Jésus arrive au
Temple de Jérusalem et annonce aux responsables du peuple d’Abraham – « Me voilà! Je suis là! » Jésus prétendait être celui dont le peuple de
Dieu attendait l’arrivée depuis 2,000 ans – et le message n’a pas passé. Comme
St. Jean le dit au tout début de son évangile :
« [Le Verbe] était
dans le monde … mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les
siens ne l’ont pas reçu. » (Jn. 1, 10-11)
Vous savez, Jésus
était perçu par les Judéens comme étant un « outsider », un étranger.
On considérait Jésus comme quelqu’un
dont les choses de Dieu ne regardaient pas, comme quelqu’un qui ne savait rien
et qui n’avait rien à dire. Jésus ne
disposait d’aucunes qualifications religieuses, politiques ou sociales (voir Jn.
7, 14-16). Pire encore, les circonstances de sa naissance étaient
assez ambigües, merci (voir Jn. 8, 19, 41). Jésus ne portait aucun titre d’autorité ou de
noblesse, il n’avait aucun « standing » – bref, Jésus n’avait aucun pouvoir.
Jésus était un moins que rien venu
de nulle part …et pourtant, il était très influent. En fait, Jésus ne
s’est pas présenté aux dirigeants du peuple en
leur faisait un discours. Jésus a
signalé sa présence à Jérusalem en posant
un geste controversé qui captera sûrement l’attention des gens. Comme on a vu la semaine passée, la manière
dont Jésus a annoncé sa présence était de guérir un homme paralysé le jour du sabbat (voir le chapitre 5 de
l’évangile de St. Jean).
Je suis celui dont vous
attendez. Et voilà
le dilemme – sûrement le Messie, quand il viendra, va respecter la loi de
Moïse, pas vrai? Le Messie ne va sûrement
pas violer le commandement de « sanctifier le jour du Sabbat », n’est-ce
pas? Jésus
prétendait être celui dont le peuple attendait l’arrivée depuis l’époque d’Abraham.
Mais, une fois arrivée au sein du
peuple, il ne respectait pas leurs attentes.
La guérison du paralytique a mis les Judéens « au pied du mur ».
Il leur fallait prendre position – soit que
Jésus de Nazareth était un imposteur
dangereux, soit qu’il était celui
dont il prétendait être. Donc, Jésus
commence en posant un geste provocateur, et ensuite, les Judéens entament la
discussion pour savoir qu’est-ce qui en est. Jésus décrit son œuvre de guérison comme étant
un « signe » que Dieu est à l’œuvre par l’entremise de ses actions. Mais
Jésus va plus loin encore; non seulement il prétend être le Messie, il dit
des choses qui semblaient sûrement être le
comble de l’arrogance :
« …moi, c’est de Dieu que je suis sorti et que je
viens…’ » (Jn. 8, 42)
« …avant qu’Abraham
fût, moi, JE SUIS. » (Jn. 8, 58)
Ce n’est pas
pour rien que dans le récit de l’évangile selon St. Jean, Jésus se fait accuser
à quatre reprises d’être possédé par un
démon (voir Jn. 7, 20; 8, 48.52; 10, 20). Lors des échanges entre Jésus et les Judéens –
des échanges qui sont verbalement (et
presque physiquement) « violentes » - Jésus va aussi loin que d’accuser
ses confrères de ne pas connaître Yahvé.
En d’autres mots, Jésus leur dit : « Je
suis là, et vous ne me reconnaissez pas. Je vous parle au nom du Père, et vous n’acceptez
pas mes paroles. »
Le scandale. Voilà le scandale
de Jésus de Nazareth. Il est venu à un
peuple qui pensait avoir tout fait correctement. Et pourtant, ça faisait des siècles qu’on
attendait la délivrance, la liberté. Comme
on fait souvent lorsqu’on rencontre des problèmes en cours de route, le peuple
de Dieu à l’époque de Jésus avait décidé d’augmenter les exigences de la piété,
on a mis en place des lois supplémentaires dans une tentative de garantir sa
fidélité à l’alliance. Et là, Jésus
arrive et il fait les choses à sa manière – il
demande aux gens de simplement lui faire confiance. Comme le comportement de Jésus était tout à
fait inattendu, on ne pouvait pas reconnaître en lui la présence même de Yahvé.
Peut-être notre dilemme est un peu l’inverse
de celui des Judéens – ça se peut-il que nous, nous avons de la misère à reconnaître chez le Fils de Dieu l’homme de
Galilée, l’homme qui a dû être courageux au point de tout renoncer afin d’accomplir
la volonté du Père? Comme nous indiquent
les lectures d’évangile depuis le début du Carême, Jésus se trouvait très
souvent à avoir des conflits, à se faire accusé de toutes sortes de choses. Que Dieu nous donne la force et le courage de
faire face à tout ce que la vie nous réserve, tout en glorifiant son nom. Amen.
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