« Tu es le ‘Christ’ … Tu es ‘Pierre’ » (St. Luc: jeudi, le 22 février, 2018; 1 Pierre 5, 1-4; Ps. 22; St. Mt. 16, 13-19)
Politiquement correct? Les Canadiens ont une réputation comme étant
les gens qui s’excusent souvent… « Je m’excuse », « Je suis
désolé », « Pardonnes-moi », « ‘Cuse-moi » … Aussi,
nous sommes connus pour être des gens qui cherchent à être politiquement correct. On ne
veut pas offusquer qui que ce soit. On
cherche ardemment à faire preuve de tolérance, d’ouverture d’esprit, d’être
conciliant. C’est bien, jusqu’à un certain point. Donc, ce matin, j’aimerais vous demander pardon. Je m’excuse!
Mais il reste que l’évangile d’aujourd’hui n’est vraiment pas politiquement correct. (En fait, il faudra fouiller longtemps dans la
Bible avant de trouver un texte qui sera considéré « politiquement correct »).
Encore là, cela ne devra pas nous
surprendre. Qu’est-ce qu’on nous a
invité de faire suite à la lecture de l’évangile? … « Acclamons la Parole de Dieu ». Je ne veux pas péter la bulle à personne, mais
si on croit que c’est bien Dieu qui nous parle dans l’évangile, on ne devra pas
être surpris si Dieu parle « comme
si il était Dieu ».
Qu’est-ce qui se passe
dans l’évangile? On y retrouve
un dialogue un peu étrange entre deux hommes. Mais ils ne sont pas seuls. En fait, avant que le dialogue puisse commencer,
Jésus pose une question aux 12 disciples : « Au dire des gens, qui suis-je? » Il s’agit d’une
question tendancieuse (question piège);
le simple fait de la poser indique qu’on s’attend à une réponse autre que « Tu
es Jésus, le fils d’untel, tu fais ceci comme métier, tu viens de ce village… » Non,
Jésus demande aux apôtres de lui dire ce que les gens pensent au sujet de sa mission vis-à-vis la nation d’Israël.
Jésus se prend pour un personnage public (« politique »). Je me
rappelle que, de son vivant, Jack Layton (1950 – 2011) – l’ancien dirigeant de
la NPD – avait l’habitude de dire, lorsqu’il se présentait aux gens, « Je
m’appelle Jack; je suis le prochain
premier ministre du Canada ». Voilà,
Jack se voyait comme étant un excellent candidat pour ce poste-là. La question posée par Jésus aux disciples
démontre que Jésus aussi se voit comme ayant
un rôle particulier à jouer dans le plan de Dieu et dans les affaires du peuple
de Dieu. Donc, les disciples
répondent : « Pour les uns,
Jean le Baptiste; pour d’autres, Élie; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un
des prophètes ». Déjà là, on
invite la controverse (voir Mt. 14, 1-12); mais il reste que la catégorie de « prophète »
était bien connue par les gens à l’époque. Les actions de Jésus, sa manière de parler,
etc. leur faisaient penser aux prophètes
d’autrefois – ces figures qui avaient jadis parlés pour Dieu et qui avaient
posés des gestes miraculeux pour le bien du peuple. Jusqu’à-là, c’est bien. Mais Jésus n’est
pas tout à fait satisfait. Donc, il pose
une deuxième question aux disciples : « Et vous, que dites-vous ?
Pour vous, qui suis-je ? »
Un dialogue déterminant. À ce moment-ci, le dialogue entre Jésus de
Nazareth & Simon de Capharnaüm (voir Mc 1, 21.29) commence. Comme il a l’habitude de faire, Simon saute
sur l’occasion de répondre à cette deuxième question (voir Mt. 14, 28; 16, 22;
17, 4; 18, 21; 19, 27; 26, 33). Simon, c’est
comme l’élève qui lâche toujours la réponse sans avoir levé sa main. Donc, il lâche sa réponse : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant
! » Pour une fois, Jésus est content de la réponse de Simon. Jésus lui fait comprendre que c’est bel et
bien Dieu (le Père) qui lui a révélé quelle est sa véritable identité. Cependant,
Simon n’est pas encore sorti du bois. Là,
c’est son tour d’y passer. Jésus lui dit :
« Je te le déclare : Tu es Pierre,
et sur cette pierre je bâtirai mon Église… » Voyez-vous qu’est-ce qui vient de se passer? Jésus & Simon se parlent, mais ils ne s’adressent
pas par leurs prénoms. Simon traite
Jésus du « Christ », et Jésus traite Simon de « Pierre ». Les deux amis s’adressent par l’entremise des
« titres » qui révèlent et la mission et le destin des personnes qui
les portent. Le titre « Christ »
veut dire « celui qui a été consacré par onction pour être le roi d’Israël ». Alors que Jésus accepte la réponse donnée par Simon
à sa question, il lui dit en fait : « Voilà, tu as compris quelle est
ma mission ». Il reste que Simon n’avait
pas encore compris la manière par
laquelle Jésus était pour accomplir sa mission.
Le sacrifice ultime. Dans les versets qui suivent immédiatement notre
lecture d’aujourd’hui, Jésus tente d’expliquer aux apôtres qu’il lui doit souffrir
et mourir à Jérusalem; son règne sera
réalisé par moyen de la souffrance (voir Mt. 16, 20-21). Comme d’habitude, c’est Simon qui réagit le
premier à ces paroles de Jésus, lui disant que cela ne lui arrivera jamais! Jésus réplique à son tour, traitant Simon d’un autre titre qui se trouve à être un
peu moins gentil que « Pierre », disons (Mt. 16, 23). Revenons au petit nom par lequel Jésus s’est adressé à Simon tantôt, celui de « Pierre »
(voir Jn. 1, 42). En traitant Simon de « Pierre »,
Jésus lui a confié une mission – celle d’être
le fondement de l’Église, la communauté composée de ceux et celles qui
étaient pour partager la foi de Simon. L’Église,
c’est bel et bien la communauté des gens qui croient, eux aussi, que Jésus de
Nazareth est « le Christ, le fils du Dieu vivant ». Suite à ce que Jésus lui ait annoncé qu’il
venait de recevoir une révélation de la part de Dieu, qu’il était pour être le
fondement de l’Église et que Jésus était pour lui léguer les clés du royaume – ça
se peut très bien que Simon ait eu le goût de se péter les bretelles. Mais en fait, alors que Simon & Jésus se
traitent de « Christ » et de « Pierre » respectivement, c’est
comme ils se condamnent mutuellement à
mort. Leur dialogue s’agit d’un
échange plutôt sombre. Leurs missions
respectives, résumées par les titres « Christ » et « Pierre »,
s’agissent tous les deux à être des missions qui vont leur exiger « le
sacrifice ultime ». Jésus va donner
sa vie pour le salut d’Israël & le monde entier, et Simon sera appelé à son
tour de donner sa vie pour l’Église, pour
sa foi en Jésus – c.-à-d. pour sa conviction que Jésus de Nazareth n’avait pas été simplement un autre prophète, un
gourou de plus, une divinité parmi tant d’autres, mais que Jésus de Nazareth
était unique parmi tous ceux qui
avaient prétendu parler pour Dieu ou bien représenter Dieu. La foi de Simon était que Jésus était le Christ d’Israël & le Seigneur du monde, celui qui réclamait
une allégeance totale de la part de chaque être humain – une allégeance que les
empereurs romains réclamaient des sujets de leur empire. De nombreux Césars ont persécutés l’Église parmi les trois premiers siècles de
son existence. Environ trois décennies
après la crucifixion de Jésus, c’est l’empereur Néron qui condamnera à mort
Simon-Pierre (c. l’an 65 après J.-C.).
La victoire de la croix. Les empereurs de Rome étaient en fait
des gens qui étaient politiquement corrects,
à leur manière. Les Césars étaient tout
à fait à l’aise avec une pluralité de religions au sein de leur empire; les
sujets de l’empire jouissaient de la liberté religieuse. Il avait une
seule condition pour pouvoir bénéficier de la « tolérance » romaine
– il fallait aux sujets de l’empire de rendre un culte au César comme étant une divinité. Voilà l’affaire qu’on proposait au monde :
adorez l’empereur ensemble avec vos dieux/divinités traditionnelles et tout ira
bien pour vous. C’est assez raisonnable, pas vrai?
Après tout, les Césars disaient simplement vouloir la paix. Pour Pierre, c’était une affaire tout à fait inacceptable. Pour celui à qui Dieu a permis de reconnaître
en Jésus le Christ, il y avait un seul
Seigneur. Pierre a refusé de
compromettre sa foi en Jésus, et comme conséquence, il a partagé le sort de son
maître. Au-dessus de sa tombe se trouve le
« quartier générale », si vous voulez, de l’Église catholique
romaine. Dans la ville ou les Césars ont
martyrisés tant de disciples de Jésus se trouve actuellement le « siège »
des évêques de Rome (les Papes), les successeurs de celui qui a été appelé par
Jésus à être le fondement de son Église. Pierre ne s’est pas excusé pour sa foi; il en a démontré la réalité. Amen.
Voilà, tu as compris quelle est ma mission ». Il reste que Simon n’avait pas encore compris la manière par laquelle Jésus était pour accomplir sa mission.
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