“L’antidote au mal” (St. Luc: lundi, le 29 janvier, 2018; 2 Sam 15, 13-30; 16, 5-13; Ps. 3; St. Mc 5, 1-20)
Zombies. Est-ce qu’on a déjà écouté ça,
un film de « zombies »? Les
films de ce genre s’agissent souvent des histoires
d’épidémie – quelques individus se font infecter par un virus et se font transformer
en zombies. Par la suite, le
« virus » se transmet alors que les zombies mordent d’autres
personnes, faisant de ces personnes des zombies, eux aussi. Bref, un zombie s’agit d’un virus sur deux pattes. Pour
guérir de son « état de zombie », il faut à la personne infectée un antidote. Et s’il y avait quelqu’un qui
pouvait « infecter » les malades avec le bien-être, avec la
santé?
Pur/impur. À l’époque de Jésus, on avait peur de
contracter, non pas la maladie « zombie », mais plutôt de l’impureté. L’impureté rituelle faisait en sorte qu’on n’avait pas accès au culte au Temple
– donc, on n’avait pas accès au pardon de ses péchés. Comme ça, on était privé de la présence et
de la grâce de Dieu. Plus encore,
l’impureté faisait en sorte qu’on était
isolé de la vie de la communauté.
Les gens considérés comme étant « impurs » étaient voués à la solitude – un genre de mort
« vivante » (tout comme les zombies) – et éventuellement, une mort
littérale et prématurée. Voici ce que le
livre de Lévitique dit au sujet des
lépreux :
« Le
lépreux …portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se
couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !” …C’est
pourquoi il habitera à l’écart, son
habitation sera hors du camp » (Lév 13, 45-46).
L’isolation d’autrui, l’isolation de Dieu – voilà le
sort des « impurs ».
Parmi ces
« intouchables » du premier siècle étaient les
lépreux, les femmes en période de menstrues, ceux qui avaient touché un
cadavre, et bien entendu, des personnes sous l’emprise des « esprits
impurs ». Cette dynamique de
pureté/impureté se manifestait même sur
le plan géographique. Comme Yahvé
lui-même était la source de toute pureté/sainteté, le lieu très saint du Temple à Jérusalem était considéré comme
étant la place la plus « pure »
qu’il soit. On devrait imaginer des
cercles concentriques ayant comme centre le Temple et s’agrandissant le plus
qu’on s’y éloignait. Vue de cette
perspective, l’expression « Terre Sainte » prend un sens tout
autre. Bien entendu, le territoire païen
– et les païens eux-mêmes – étaient
considérés comme étant fondamentalement « impur ».
Le programme
des Pharisiens,
en fait, était d’assurer qu’on se maintenait dans un état constant de pureté rituelle; les Pharisiens enseignaient
aux gens comment se comporter d’une telle manière qu’on était toujours prêts à
se présenter devant Yahvé, même si on ne pouvait pas se permettre un voyage à
Jérusalem afin de visiter le Temple. C’était
un beau projet, une bonne idée. Mais là, Jésus offrait le pardon aux gens, là
ils se trouvaient et il ne leur obligeait pas de respecter les lois de pureté!
Jusqu’au fond
de l’abîme. Dans
l’évangile d’aujourd’hui, Jésus se met dans une situation d’extrême
impureté. Il traverse la mer de Galilée
pour se rendre en territoire païen – il quitte la zone « pure » ;
arrivé de l’autre côté, Jésus se trouve face à face avec un homme possédé par
une « légion » d’esprits impurs; cet homme habite les tombeaux (il
est en contact perpétuel avec les morts); ensuite, le comble de l’impureté – il y a un grand troupeau de porcs juste à
côté du cimetière! Aucun Juif ayant
le moindre souci de son état de pureté rituelle, le moindre souci de son statut
religieux et social n’aurait osé mettre le pied à cet endroit. Et pourtant, Jésus lui, il y va. Encore là, pour
arriver à cette place cauchemardesque, Jésus a du calmer une tempête sur la mer
de Galilée. Jésus fait tout pour se rendre
jusqu’au milieu des ténèbres afin de
rejoindre cet homme tourmenté. L’homme est dans un état tout à fait
pitoyable. On pourra dire qu’il est
« l’impureté sur deux pattes ».
Il est littéralement « hors de contrôle ». Il est déjà, de son vivant, rendu dans les tombeaux. Ses seuls compagnons sont les morts. Il est un véritable mort-vivant. Tout ce qui reste de son existence est un
cauchemar dont il ne peut pas se réveiller. L’homme
est seul au monde. Si on a déjà vécu
des longues périodes de solitude, on peut très bien comprendre les effets
néfastes du fait de se retrouver sans contact humain. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul »
(Gn. 2, 18). La solitude entraîne une
rupture dans le « moi » – le moi devient « nous ». « Mon nom est Légion, car nous sommes beaucoup », dit l’homme possédé.
L’antidote. Jésus n’est aucunement
intimidé par l’impureté de cet homme et de cette situation. Jésus emmène le « shalom » - la véritable paix – au sein de cette situation désespérée.
Au lieu de contracter l’impureté des
autres, Jésus leur transmet la pureté et
le bien-être. Jésus chasse la légion
d’esprits qui entrent ensuite dans les porcs, qui se précipitent dans la mer, le
lieu qui symbolise les forces du mal. Jésus
avait déjà dompté la mer alors qu’il était en route pour le pays des Géraséniens;
là, il renvoi les esprits impurs dans « l’abîme » – au lieu d’où ils
sont issus. Les gens de la région sont
effrayés par ce qui vient de se produire. Cela peut nous paraître bizarre; pourquoi ne sont-ils pas reconnaissants
de retrouver cet homme, auparavant hors de lui et maintenant habillé et revenu
à la raison? Il reste qu’avec le temps, on
peut arriver à accepter que l’existence des autres (ou bien notre propre
existence) soit sous l’emprise du mal. On
peut devenir tellement accoutumé à la misère que la délivrance nous fait peur. Mais Jésus a remporté la victoire; l’ennemi a
été vaincu; l’homme a été libéré. Maintenant,
Jésus le renvoi chez lui comme missionnaire de la miséricorde de Dieu. Les gens de la région demandent à Jésus de s’en
aller. Donc, Jésus remonte dans la
barque, ayant accompli une seule chose – la libération de cet homme-là. Jésus a tout fait ça pour un individu. C’est une
bonne nouvelle pour nous – peu importe la noirceur dans laquelle on se trouve, peu
importe la profondeur de notre misère et de notre souffrance, Jésus peut venir
nous chercher, nous délivrer, et nous faire revivre. Amen.
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