“La fois où Dieu a été kidnappé” (St. Luc: jeudi, le 11 janvier 2018; 1 Sam. 4.1-11; Ps. 43; St. Marc 1.40-45)



Retour vers le Futur.  Ce matin, on va se concentrer sur la première lecture.  Tout d’abord, si on a déjà fait la lecture du commencement du Premier Livre de Samuel, on sait très bien qu’il y a maintes parallèles entre ces passages de l’Ancien Testament et l’Évangile, surtout celui selon St. Luc.  Le récit de 1 Samuel commence avec une femme stérile qui demande un fils à Dieu, qui est exaucée et qui entonne ensuite un chant de reconnaissance et de victoire.  Le fils de la promesse est décrit en ces termes : « Le jeune Samuel continuait à croître et il gagnait de plus en plus la faveur de Dieu et celle des hommes » (1 Sam. 2.26).  Le destin de Samuel était de préparer le chemin – et oindre – pour les deux premiers rois d’Israël; est-ce qu’on peut discerner un parallèle quelconque avec l’Évangile?  Le récit de 1 Samuel explique comment Dieu a pourvu un roi à son peuple, un dirigeant qui était pour établir un culte centralisé dans un Temple au sein de la capitale d’un pays uni et capable de se défendre contre ses ennemis.  Bien oui, c’est assez politique…
Tout l’argent du Monde.  Il y a présentement à l’affiche un film intitulé « Tout l’argent du Monde ».  Ce film est basé sur des faits réels et s’agit de l’histoire de l’enlèvement du petit-fils de milliardaire J. Paul Getty (1892-1976), qui a fait sa fortune en créant sa propre compagnie de pétrole.  En 1973, des terroristes ont kidnappés son petit-fils, âgé de 16 ans, et ont réclamés à M. Getty une rançon de 17 millions $.  Le film raconte l’histoire du kidnapping et les négociations qui ont eu lieu entre les terroristes et M. Getty, qui a d’abord refusé de payer la rançon, soupçonnant que son petit-fils avait orchestré le tout comme moyen d’extorquer de l’argent à son grand-père.  Cette histoire est complexe, tout comme celle qu’on retrouve dans notre première lecture, ou l’arche de l’alliance est prise en otage par les Philistins, les ennemis d’Israël.  Encore là, notez bien ce que disent les Philistins dès qu’ils apprennent que l’arche est arrivée au sein du camp de l’armée israélienne : « Dieu est arrivé au camp des Hébreux! »  Donc, ce récit s’agit bel et bien de l’histoire du kidnapping de Yahvé par les Philistins…!  (Si on poursuit la lecture dans le chapitre 5 du Premier Livre de Samuel, on découvre qu’avoir Yahvé comme otage, ce n’est pas chose facile!)
Le coffre de Dieu.  Faisons marche arrière un peu afin de pouvoir saisir le sens de ce qui se passe dans ce texte un peu étrange.  L’ « arche » de l’alliance s’agissait en fait d’un coffre dans lequel on avait déposé les tables de pierre sur lesquelles étaient inscrite la Loi de Moïse, le fondement de l’alliance entre Yahvé et son peuple.  La manipulation du coffre était régit par plusieurs protocoles (Ex. 25.10-22).  Le coffre - l’objet le plus sacré du culte israélite – était destiné au lieu très saint de la grande tente qui servait du sanctuaire portable à l’époque de Moïse (c.-à-d. le "tabernacle"; voir Ex. 40.17-21).  Le coffre représentait en fait la présence de Dieu et on l'appelait même le « marchepied » de Yahvé (Psaumes 99.5; 132.7).  À l’époque de Samuel, le sanctuaire et l’arche se trouvaient dans la ville de Silo, au nord de Jérusalem.  C’est là où le juge et prêtre Eli exerçait son ministère avec l’assistance de ses deux fils.  C’est là aussi ou Samuel a grandi comme prêtre apprenti.
L’arme sécrète?  Au début de notre première lecture, les Israélites se trouvent en guerre avec les Philistins, un peuple voisin qui, dès l’arrivée des Hébreux en Canaan, les avait attaqué fois après fois.  Après un premier accrochage désastreux, les dirigeants israélites décident de faire venir l’arche de l’alliance pour servir de talisman et garant de victoire (comparez Josué chapitre 6).  Donc, Hofni et Pinhas – les deux fils d’Eli – escortent l’arche jusqu’au champ de bataille.  Étrangement, personne ne consulte Samuel, la seule personne à laquelle Dieu parlait (se révélait) à ce moment-là (1 Sam. 3.1, 19-21).  On a ici un bel exemple de ce qui est marquer à maintes reprises dans le livre biblique intitulé "des Juges" : « En ces temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qu’il jugeait bon » (Juges 21.25).  Les Philistins connaissaient bien la réputation de Yahvé et avaient entendu l’histoire de l’Exode et comment Yahvé avait délivré les Israélites de l’esclavage, tout en envoyant des plaies contre l’Égypte, le pays qui avait opprimé son peuple.  La présence de l’arche chez les Israélites a d’abord effrayée les Philistins, mais ensuite les a motivée à combattre plus ardemment.  Finalement, les Philistins ont remportés la victoire, les Israélites ont été massacrés, et l’arche de l’alliance a été prise comme butin de guerre.
Une prophétie s’accomplit.  Non seulement ça, mais Hofni et Pinhas moururent ensemble sur le champ de bataille.  Ainsi s’accomplit la prophétie qu’avait été faite à Eli par « l’homme de Dieu » au chapitre 2 : « Ce qui arrivera à tes deux fils …sera pour toi un signe: ils mourront tous deux le même jour » (1 Sam. 2.34).  Les fils d’Eli étaient en fait des hommes pourris, qui abusaient des gens qui venaient au sanctuaire de Silo pour adorer Yahvé.  Non seulement la malédiction prophétique s’est réalisée, mais dès qu’Eli apprenne la nouvelle, il meure sur le champ.  Suite à cela, la belle-fille d’Eli, la femme de Pinhas, accouchent subitement d’un fils et décède, elle aussi, en mettant son enfant au monde (1 Sam. 4.12-22).  Comme ça, toute la famille d’Eli est disparue ce jour-là.
Un peuple en détresse.  Notre récit s'agit d'un texte plutôt sombre; en fait, au début du Premier Livre de Samuel, on se retrouve à la fin de l’époque des « Juges », la période dans l’histoire d’Israël qui a commencée avec l’installation des Hébreux en Canaan et qui a terminé avec l’établissement de la monarchie.  Les « juges » étaient des hommes et des femmes qui conduisaient le peuple de Dieu et qui jouaient à la fois le rôle de « chef de guerre » et de « juge ».  Lors de cette époque, les tribus d’Israël faisaient ensemble un genre de « confédération », et on établissait des alliances temporaires entre tribus en temps de guerre.  Il restait qu’il n’y avait pas d’administration centralisée, ni au niveau politique, ni au niveau moral/spirituel.  Le livre des Juges s’agit d’un recueil d’histoires d’ « horreur » - les tribus israéliennes se font tourmentées par les nations environnantes, et même à l’intérieur de la confédération hébraïque, c’est le chaos qui règne.  On nous parle de génocide, d’une immoralité « déchaînée » et d’une grande confusion au sujet du culte qu’on devait offrir à Yahvé.  Encore là, l’unicité de Yahvé était plus ou moins respectée alors qu’on continuait à adorer d’autres divinités qu’on avait empruntées aux nations voisines, parfois dans un « syncrétisme » ou on accordait à Yahvé la place du « grand dieu », tout en l'accompagnant par des dieux païens.  Bref, c’était le bordel total.  De là la phrase qui revient à maintes reprises dans ce livre: « En ces temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qu’il jugeait bon » (Juges 21.25).

Un monde, un royaume.  Voilà le dilemme qu’on retrouve au début du Premier Livre de Samuel.  Il n’y a pas de roi en Israël.  Samuel – le dernier « Juge » – aura comme mission d’assurer la transition de l’époque des Juges à l’époque de la monarchie.  Commençant cette semaine et allant jusqu’à la mi-février, nos lectures quotidiennes ont comme sujet les origines de la monarchie israélienne d’un bord, et les débuts du ministère de Jésus, de l’autre.  Ce n’est pas un hasard.  Alors qu’on lit sur les premiers rois de l’Israël ancien, on lit également sur le « Christ », celui qui a été oint de l’Esprit saint pour être le Roi, le Chef, le Seigneur – non seulement d’Israël, mais du monde entier.  Enfin, Dieu nous a pourvu un roi qui est parfaitement juste et plein de miséricorde.  Amen.

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