“Heureux ceux qui pleurent” (St. Luc: jeudi, le 21 déc. 2017; Cantique des Cantiques 2,8-14; Ps. 32; Luc 1,39-45)
Joie &
tristesse. Au début de
son « sermon sur la montagne », Jésus a prononcé les paroles
suivantes : « Heureux ceux qui
pleurent, car Dieu les consolera » (Mt. 5.4). « Heureux ceux qui ‘font le deuil’ (sens du mot grec pentheo)»? Cette phrase peut
bien nous frapper comme étant paradoxale; d’habitude, lorsqu’on surprend quelqu’un
en train de pleurer, on ne les félicite
pas! Bien sûre que non; lorsqu’on
voit quelqu’un avec des larmes qui coulent sur ses joues – à moins que la
personne aie également le sourire collé aux lèvres – on se dit que la personne est,
en fait, triste. On
pourra même dire que c’est une évidence…
G.K. Chesterton, un
auteur britannique et un grand apologète de la foi chrétienne qui a publié de
nombreux ouvrages au début du 20e siècle, a dit le suivant : « un paradoxe se produit lorsque la vérité
fait le poirier pour capter notre
attention ». Pourquoi je parle des paradoxes ce matin? Y a-t-il de quoi de paradoxale dans les textes
d’aujourd’hui? On dirait que c’est plutôt
le contraire : dans la première
lecture, on se laisse parler d’amour; on décrit avec milles images l’apparition du printemps – la nature
retrouve sa fécondité, les oiseaux chantent, les lis de la vallée fleurissent, le temps des chansons est arrivé – on nous
parle ici d’un véritable état d’effervescence.
Le Psalmiste nous fait presque danser : « La
joie de notre cœur vient du Seigneur », nous dit-il. Dans l’évangile, encore une fois, la joie surabonde – Marie se précipite pour
aller chez Élisabeth; en entrant dans la maison, Marie lève sa voix pour saluer
sa cousine, et au même moment, l’enfant à qui on donnera éventuellement le nom de
« Jean » tressaille d’allégresse dans le sein de sa mère. D’une voix forte, Élisabeth proclame des
paroles qui nous sont maintenant si familières : « Tu es bénie entre
toutes les femmes… » Dieu a fait
des grandes choses pour nous… On se
réjouit!
Paradoxes. Mais où se trouve le paradoxe
au juste? D’abord, il y a le paradoxe de la température. Tout récemment, l’hiver a imposé sa présence parmi nous ici à Montréal, et là, ce
matin, on lit un beau texte qui nous parle de l’arrivée du printemps. Encore
là, dès que l’Église occidentale a commencée à fêter la nativité de Jésus le 25 décembre, logiquement, on a commencé à fêter
l’annonciation de l’ange Gabriel à
Marie le 25 mars (c.-à-d. 9 mois
auparavant). Donc, ça adonne qu’aujourd’hui,
le jour du solstice d’hiver (17h27), on
nous parle d’un événement qui serait arrivé peu après l’équinoxe de printemps. Mais
au-delà de cette confusion météorologique, il y a un paradoxe beaucoup plus profond – le paradoxe dont Jésus avait
parlé sur la montagne – « Heureux
ceux qui pleurent ». Il reste
que Marie, Élisabeth et même, si vous voulez, le « petit Jean » se
réjouissent alors que leur peuple est en
détresse; ils sont dans la joie alors
que tout autour d’eux, la nation d’Israël est en désarroi. Les voilà – deux femmes heureuses au sein d’un peuple qui pleure. La bonne nouvelle de la naissance du Sauveur a
été annoncée à un peuple qui vivait des
grandes souffrances. Nous aussi,
lors de cette saison de l’Avent, nous pleurons le décès de plusieurs membres de
notre communauté; il y a plusieurs paroissiens qui viennent de perdre des êtres
chers ces derniers temps. Encore là, bien des familles vont bientôt
vivre un premier Noël sans la présence d’un de leurs bien-aimés. Voilà le paradoxe – l’Avent est une
saison de joie, mais c’est également
une saison de larmes.
Théâtre ou
réalité? La saison de l’hiver
est souvent utilisé comme symbole de la
mort – c’est la saison ou la terre ainsi que les plantes sont « enterrées »
de neige, ou la verdure disparaît et on pourra même dire que la nature est « paralysée ».
L’hiver,
c’est le temps de noirceur, le temps
ou notre liberté de mouvement est limitée; c’est une saison de solitude et de
souvenirs qui sont souvent pénibles. À ce moment-ci, une question s’impose : pouvons-nous nous réjouir d’une manière authentique au milieu de
nos peines? Sommes-nous obligés de faire
du théâtre à Noël, de faire semblant qu’on est heureux, que finalement, tout va
bien? Je ne pense pas. La bonne
nouvelle de Noël est que Dieu n’a pas
fait semblant de venir habiter parmi nous. Dieu s’est incarné pour de vrai!
Dieu-fait-homme avait une mère qui a du concevoir, porter et enfanter le
Fils de Dieu. L’entrée de Dieu dans
notre monde ne s’est pas faite sans
douleur, sans danger et sans craintes. À Noël, Dieu est arrivé dans notre monde à nous, le monde de noirceur,
de tristesse, de perte, le monde ou les rêves
volent souvent en éclats.
Une espérance
non pas comme les autres. Je crois que, effectivement, nous pouvons nous
réjouir authentiquement, et ceci, pour une
raison principale – nous avons une espérance en tant que Chrétiens
que d’autres personnes n’ont pas. Dans
sa première lettre aux Thessaloniciens, St. Paul (ainsi que Silvain et Timothée)
leur dit :
« Nous
ne voulons pas …que vous …soyez …tristes de
la même manière que le reste des hommes, qui n’ont pas d’espérance. En
effet, puisque nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, nous croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus …ceux
qui sont morts… » (1 Thess. 4.13-14).
St. Paul n’interdit pas aux Thessaloniciens d’être
attristés; il leur dit de ne pas être tristes
de la même manière de ceux qui ne savent pas que Jésus est ressuscité d’entre
les morts. La résurrection de Jésus,
tout comme sa naissance, met nos
tristesses dans une autre perspective. La résurrection de Jésus nous démontre que la mort est impuissante face au Dieu créateur.
Le Dieu de la Bible est bel et bien le Créateur, la source de toute vie. Au
commencement, Dieu a parlé, et du néant, l’univers est venu à l’existence. Dans la Bible, fois après fois, Dieu crée de
la vie là où il y a la mort, là où il y a des situations sans issue, là où il y
a …rien. Depuis mardi, on lit dans le premier chapitre
de l’évangile selon St. Luc – un récit où Dieu permet à une femme stérile et âgée de concevoir un enfant, et permet également
à une vierge de concevoir. Le Créateur
est celui qui peut faire surgir la vie là où on avait désespéré de la possibilité
de la vie. Notez bien le rôle du Saint Esprit dans la conception de Jésus; l’ange
Gabriel avait dit à Marie : « l’Esprit Saint viendra sur toi, et la
puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Tout comme au commencement, alors que l’Esprit de Dieu planait par-dessus les
eaux primordiales alors que Dieu se préparait à créer l’univers, c’est l’Esprit
saint qui fera apparaître la vie dans le ventre de Marie.
Le Dieu de la
vie. Dans les
textes d’aujourd’hui, on voit le Dieu de
la vie à l’œuvre. On voit le
printemps divin surgir en plein milieu des ombres hivernaux de notre monde. Il reste qu’on ignore ce que Dieu va faire de
nos peines, de nos tristesses, de notre deuil. Mais on sait qu’on peut les lui offrir, et
attendre pour voir comment le Créateur fera surgir la joie dans nos cœurs brisés.
Jésus
est notre espérance, lui dont la vie – du début jusqu’après « la fin »
– était tout à fait saturée de l’Esprit
saint du Dieu Créateur. Dieu est un
Dieu de nouvelles possibilités, un Dieu de surprises agréables. « Heureux ceux qui pleurent, car Dieu les consolera ». Nous ignorons si un jour, nous cesserons de
pleurer; cependant, nous avons l’espérance qu’un jour, nous allons pleurer que de joie. Amen.
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