“C’est pour quand, le royaume de Dieu?” (St. Luc: jeudi, le 16 novembre, 2017; Sagesse 7.22 – 8.1; Ps. 118; Lc. 17.20-25)



En cheminCe matin, on poursuit le voyage liturgique qu’on a entrepris le 3 octobre passé.  On accompagne Jésus sur le chemin qui mène vers Jérusalem.  On va arriver dans la capitale à temps pour la pâque juive vendredi prochain, le 24 novembre (liturgiquement).  Les chapitres 9-19 du troisième évangile portent le nom du « récit de voyage » de Luc.  Depuis que Jésus « décida de manière résolue de se rendre à Jérusalem » au chapitre 9.51, l’enseignement de Jésus a pris une tournure plutôt sombre.
Mauvaise connexionOn sait très bien que la communication n’est jamais facile.  Pour que la compréhension puisse se produire entre deux personnes, il faut que les deux interlocuteurs arrivent à penser à la même chose; pensez-y deux secondes – comment faire en sorte que la personne devant moi arrive à partager mes pensées à moi?  Pas évident…  Souvent, des problèmes vont surgir lorsqu’on s’attend à ce que notre interlocuteur nous dise certaines choses ou bien que la personne nous parle de certains sujets.  Si mon partenaire de conversation se sert des paroles dont le sens est différent pour moi que pour lui, la incompréhension risque de s’ingérer dans notre dialogue.  Encore là, si les deux personnes communiquent dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle, le potentiel pour la confusion augmente de manière exponentielle.  Dans l’évangile, les Pharisiens interrogent Jésus au sujet du royaume de Dieu.  Ou se trouve-t-il?  Qu’est-ce que le royaume de Dieu au juste?  Existe-t-il une manière de prédire son arrivé?  Jésus répond aux Pharisiens en disant :
«Le royaume de Dieu ne vient pas en se faisant remarquer.
On ne dira pas: ‘Il est ici’, ou: ‘Il est là.’
Puis [Jésus] dit aux disciples: «Un temps viendra où vous désirerez voir même un seul des jours du Fils de l'homme, et vous ne le verrez pas.
On vous dira: ‘Il est ici’, ‘Il est là.’ N'y allez pas, n'y courez pas. »
Jésus dit, d’un bord, que ce sera impossible ou presque de reconnaître l’arrivée du royaume et de l’autre bord, il affirme que lorsque les gens vont croire pouvoir le discerner, qu’à ce moment-là, il faut que ses disciples se méfient de tout cela et plutôt, qu’ils tiennent bon dans leur engagement de servir Jésus.
Un royaume qui n’est pas évident.  Tout comme à l’époque de Jésus, de nos jours il y a encore beaucoup de confusion au sujet du « royaume de Dieu ».  Ça se peut très bien que lorsqu’on entend cette phrase, qu’on se dise : « Excellent!  Je sais c’est quoi le royaume; le royaume, c’est ‘le ciel’, c’est là où j’irai après la mort.  Comme Jésus a passé son temps à parler du ‘royaume’, ça veut dire que Jésus est venue sur terre pour nous dire comment aller au ciel ».  Mais là, il y a des difficultés qui se présentent.  Dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est très évident que le « royaume » ne fait pas référence au « ciel » - Jésus dit aux Pharisiens « le règne de Dieu est au milieu de vous ».  Jésus parle du règne comme étant une réalité présente et non pas future.  En fait, tout au long de son ministère, Jésus fait comme si le royaume de Dieu se trouve là où il se trouve, lui.  Encore là, alors que Jésus avance vers Jérusalem, il prononce bien des paroles de jugement contre la capitale et la nation toute entière; lorsqu’on prend le temps de lire le « récit du voyage » attentivement (et d’un bout à l’autre), on constate que Jésus s’attend à vivre une confrontation tragique à Jérusalem.  Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus le dit : il faut que le Fils de l’homme « souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération ».
Ce que nous voulons entendre, ce qu’il veut dire, lui.  Voilà, on vient de mettre le doigt sur le problème – il s’agit bel et bien d’un problème de communication.  Beaucoup de facteurs font en sorte qu’on ait certaines attentes vis-à-vis Jésus et vis-à-vis le texte biblique.  Nous nous attendons à ce que Jésus nous parle, nous; nous nous attendons à ce qu’il répond à nos questions, qu’il s’adresse à nos préoccupations.  Nous sommes préoccupés avec notre sort éternel, nous voulons qu’on nous entretien sur l’au-delà; nous nous attendons à ce qu’on nous annonce un message « spirituel ».  Nous, nos, notre… et si Jésus, lui, voulait parler d’autres choses?  Et si Jésus, dans l’évangile, s’adressait à ses contemporains au premier siècle?  Et si Jésus, lui, a compris sa mission comme ayant comme objectif le renouvellement de la nation d’Israël à son époque à lui?  Et si Jésus, lui, avait des préoccupations qui sont non seulement très différentes des nôtres, mais qui nous frappent comme étant bizarres et sans rapport à ce que nous vivons?  Sommes-nous disposés à mettre nos préoccupations de côté afin de se donner la chance de bien comprendre ce que Jésus voulait dire à ses contemporains, à son époque?
Le retour du Seigneur.  Tout d’abord, il faut accepter que, dans l’évangile, Jésus s’adresse, non pas à nous, mais à ses contemporains.  Jésus s’adresse à la nation d’Israël au premier siècle.  Alors qu’on lit l’évangile, on fait la même expérience de quelqu’un qui prend un café avec son ami et là, le cellulaire de son ami se met à sonner, et lui, il se trouve à écouter ce que son ami dit à la personne qui se trouve à l’autre bout de la ligne.  Pas évident comme expérience…  Dans les chapitres 9-19 de l’évangile selon St. Luc, Jésus chemine vers Jérusalem.  Sa préoccupation n’est pas son éventuel « retour » à la « fin du monde ».  La préoccupation de Jésus dans ces textes est bel et bien son arrivée dans la cité dont il prédit la destruction en-dedans d’une génération (voir Lc. 13.1-5, 31-35; 17.20-37; 19.41-44).  Les contemporains de Jésus étaient, eux aussi, dans l’attente – ils attendaient le retour de Dieu.  On croyait que Yahvé avait abandonné son peuple au 6e siècle av. J.-C. alors que les Israélites avaient été exilés par les Babyloniens.  Depuis le retour d’une faible minorité des exilés à Jérusalem, on attendait le moment ou Dieu reviendra vers son peuple et s’installera de nouveau dans le Temple à Jérusalem.  À croire Mathieu, Marc, Luc et Jean, Yahvé est revenu à Jérusalem; pour les évangélistes, l’arrivée de Jésus dans la capitale s’agissait bel et bien du retour de Yahvé vers son peuple!  À croire le prophète Ésaïe, c’était bien ça le sens de la phrase « royaume de Dieu » - regardons És. 52.7-8 :
« Comme il est beau de voir sur les montagnes les pas du messager d’une bonne nouvelle …qui dit à Sion: «Ton Dieu règne.» On entend tes guetteurs… ils crient de joie ensemble car de leurs propres yeux ils voient le retour du Seigneur à Sion ».
Voilà : le signe de l’arrivée du règne de Dieu sera le retour de Yahvé à Sion (c.-à-d. Jérusalem).  Mais le retour de Yahvé, il aura l’air de quoi au juste?  À croire les évangélistes, le retour de Yahvé s’est réalisé alors qu’un jeune prophète de la Galilée est arrivé dans le Temple quelques jours avant la Pâque, tout en pleurant sur la ville qui, depuis des siècles, a tué les envoyés de Dieu et qui ne s’était pas préparée pour l’arrivée de son Seigneur, lui qui s’est incarné dans la personne de Jésus de Nazareth.  Non, comme d’habitude, la ville rebelle était pour rejeter et martyriser ce prophète galiléen.  L’évangile d’aujourd’hui nous lance un défi – celui de mettre nos préoccupations de côté et de porter nos regards sur Jésus – sur celui qui s’est prétendu que ses paroles étaient les paroles de Dieu, que ses gestes étaient l’action de Dieu, que sa mort était la victoire de Dieu sur toutes les puissances du mal, que son amour pour son peuple était l’amour de Dieu pour Israël ainsi que pour toute l’humanité de tous les temps.  
C’est pour quand le royaume?  C’était pour il y a 2,000 ans de cela.  C’est pour l’avenir, lorsqu’il deviendra pleinement présent lors du deuxième avent de Jésus.  C’est pour aujourd’hui, alors qu’on cherche à suivre Jésus dans notre réalité quotidienne.  Le royaume de Dieu est une réalité divine qui nous invite à y participer, à devenir des « agents » du règne de Dieu dans notre monde, comme il est pleinement réel dans le ciel.  Amen.

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