« Mission : guérir une nation » (St. Luc: jeudi, le 01 février, 2018; 1 Rois 2, 1-4.10-12; 1 Ch 29; St. Mc 6, 7-13)



« On va vous libérer ».  Voilà la rhétorique de l’empire romain à l’époque de Jésus.  « On va vous affranchir de votre ignorance, de votre barbarisme, de votre manque de sophistication.  On va établir un véritable système de justice au sein de votre société; avec notre technologie, on va construire un système d’infrastructure efficace qui va augmenter votre qualité de vie.  Rendez-vous à nous, payez vos taxes, et vous aurez la paix ».  Les choses n’ont pas vraiment changées depuis – l’empire mondial actuel se sert d’une propagande semblable.  « Mettez-en place des dirigeants qui vont faire affaires avec nous.  Permettez à ce que nos entreprises construisent des sièges dans votre pays.  On va créer des emplois pour vos citoyens.  On va vous prêter des milliards de dollars (à des taux d’intérêts exorbitants).  Ce sera formidable – vous pourrez magasiner à Walmart et manger à McDonalds.  Comme ça, il n’y aura que de la prospérité dans votre pays ».  Des belles paroles, un bel avenir en perspective – du moins, pour ceux qui sont prêts à collaborer avec l’empire.  Et pour ceux qui sont déterminés de rester intègres, pour ceux qui refusent de compromettre leurs valeurs et fléchir le genou devant la puissance impériale?  Souvent, la seule option qui leur reste est celle de la violence.  Versus l’exploitation violente de l’empire, on répond avec la violence de la révolution.  À l’époque de Jésus, les membres du peuple de Dieu qui étaient déterminés de résister à Rome avaient comme objectif l’établissement (violent) du royaume de Yahvé.  On voulait remplacer le règne de César avec le règne de Dieu.  Au premier siècle, un des cris de ralliement des rebelles juifs était « Nous n’avons pas d’autre roi que Yahvé! » (Voir Jn. 19, 15).
Jésus & le règne de Dieu.  Jésus, tout comme les révolutionnaires, annonçait l’arrivée immanente du royaume de Dieu; lui aussi, il voulait voir son pays libéré de toute domination néfaste.  Par contre, non pas comme les rebelles, Jésus n’usait pas de violence pour atteindre son objectif de voir le règne de Yahvé s’établir en Israël.  La « plate-forme » de Jésus s’agissait plutôt de la guérison – au lieu d’assassiner des Romains, Jésus guérissait les malades (même le serviteur d’un militaire romain : Mt. 8, 5-13) et délivrait ceux/celles qui étaient sous l’emprise des démons.  Au lieu de proposer une stratégie de libération sur le plan de la force à l’état brut, Jésus a mis de l’avant une stratégie de libération sur le plan personnel, pour les individus dans leur ensemble.
Libération nationale.  Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus fait participer les disciples dans sa mission de libération nationale par l’entremise de la guérison.  C’est extrêmement important de remarquer que les disciples n’étaient pas envoyés promettre la guérison aux gensencore moins étaient-ils censés leur parler de l’au-delà – les disciples ont été envoyés pour guérir (point)!  Le fait que de nombreuses personnes aient retrouvées la santé par l’entremise des disciples – qui avaient été investis de l’autorité du maître – était le signe que le royaume de Dieu était bel et bien arrivé!  Dans les Écritures d’Israël, une des images les plus importantes pour Dieu était celle du berger.  Écoutons ces paroles du prophète Ézéchiel :
« C'est moi qui ferai paître mon troupeau et c'est moi qui le ferai reposer, le Seigneur… le déclare. Je chercherai la brebis qui sera perdue, je ramènerai celle qui se sera éloignée, je panserai celle qui a une patte cassée, et je fortifierai celle qui est malade » (Éz 34.15-16; voir És 40.9-11; Jr 23.2).
Une fois que les disciples reviennent de leur mission, Jésus les prends à part pour qu’ils se reposent.  Ils traversent le lac de Galilée, mais les villageois les devancent sur l’autre rive.  St. Marc nous dit : « En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger… » (6, 34).  En Jésus, Yahvé est venu rassembler son troupeau dispersé.
Le rassemblement des tribus.  Encore là, ce n’est pas un hasard que Jésus ait choisi 12 disciples.  Ce chiffre fait penser aux 12 fils de Jacob/Israël, qui sont devenus les « pères » des 12 tribus de l’Israël ancien.  Encore une fois, écoutons les paroles d’Ézéchiel :
« Voici ce que déclare le Seigneur… : Je vais prendre les Israélites du milieu des nations où ils sont allés… je les ramènerai dans leur pays, et je ferai d'eux une seule nation dans le pays, sur les montagnes d'Israël. Un roi unique régnera sur eux tous, ils …ne seront plus divisés en deux royaumes… Mon serviteur David sera leur roi, il sera l'unique berger pour eux tous... » (Éz 37.21-22, 24).
Bien entendu, le « David » dont parle Ézéchiel s’agit du Messie à venir.  Jésus est le Messie, le roi légitime du peuple de Dieu, le fils de David.  À travers la mission de Jésus et ses disciples, Yahvé – le berger d’Israël (voir Ps 23.1; 74.1; 79.13; 80.2; 95.7; 100.3; Jr 13.17; 23.1) – restaure l’intégrité de son peuple dispersé afin de lui rétablir, lui sauver, lui guérir.
Confiance absolue.  Alors que les 12 disciples se font envoyer en mission, il leur faut une confiance absolue dans la provision de Dieu.  Jésus leur envoi avec rien – à part un bâton, des sandales et « une seule chemise » (tunique).  Comme ça, les disciples deviennent eux-mêmes des signes vivants de la fidélité de Yahvé envers son peuple.  Yahvé est le bon berger.  Son peuple ne manque de rien (voir Ps. 23, 1).  Les disciples proclament la bonne nouvelle que Dieu est en train de restaurer leur nation souffrante alors qu’ils guérissent les malades.
Être guérisseur aujourd’hui.  Et quoi dire de notre nation à nous?  Notre nation est également une nation souffrante, composée des gens qui ont besoin de guérison à bien des niveaux – faisons mention seulement des besoins qui se retrouvent sur le plan psychologique.  En effet, hier a été la journée « Bell cause pour la cause », une campagne contre la stigmatisation qui entoure souvent les questions de santé mentale.  Peu de gens réussissent à échapper complètement à tout problème de santé mentale – plusieurs sont tourmentés toute leur vie.  L’évangile nous invite à « perdre notre temps » avec les gens dont la société considère souvent comme étant tout à fait inutiles et des empêchements au progrès.  Je vous propose ce matin que si nous sommes contre l’euthanasie, nous devons être également contre le rejet et la marginalisation des gens qui souffrent dans leur esprit; ces gens sont souvent incapables de communiquer de la même manière que les gens dites « normaux ».  Pensons à l’arche, l’œuvre de Jean Vanier – cet organisme qui pourvoit un foyer aux gens ayant des déficiences intellectuelles.  Dans les communautés de l’arche, chaque personne, peu importe sa déficience, se sait aimer et se sait être un membre significatif de la famille.  Dans l’évangile selon St. Mathieu, alors que Jésus envoi les 12, il leur dit : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement » (Mt. 10, 8).  Nous sommes les gens qui avons été guéris par Jésus, qui continue à être guéris par le bon berger.  Nous sommes les guérisseurs blessés.  Comme ça, nous ne devrons pas voir nos expériences douloureuses comme ayant été inutiles.  Bien que nous ne comprenions jamais complètement pourquoi ces choses-là nous soient arrivées, nous savons qu’il y a d’autres personnes qui ont souffert de la même manière et que nous sommes des sources de guérison pour eux.  Le théologien américain Frederick Buechner a dit : « Une vocation, c’est le lieu où Dieu t’appelle pour que ta plus grande joie y rejoigne la plus grande faim du monde ».  Comme dit notre première lecture, Soyons forts! Soyons des gens courageux!  Osons vivre l’évangile en étant ému de compassion pour les gens qui nous entourent.  Nous avons une bonne nouvelle à annoncer – notre Seigneur est le grand guérisseur des cœurs et des vies – et nous sommes les membres de son corps.  Amen.

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