“Faire de la place pour Dieu” (St. Luc: jeudi, le 28 septembre, 2017; Aggée 1,1-8)

Faire de la place pour Dieu.  Est-ce qu’on sait quel est le sens du mot « liturgie » (Grec : leitourgeō)?  Littéralement, ça veut dire l’ « œuvre du peuple »; il s’agit de l’œuvre qu’on fait pour Dieu, ou pour être plus précis encore, c’est l’ensemble des efforts qu’on fait pour faire de la place pour Dieu, même au milieu de nos vies souvent sur-occupées et remplies de bien des préoccupations et du stress.  La liturgie de la Messe est une occasion de se rappeler qu’on dépend de Dieu et que le succès de nos projets dépend de sa grâce et de son appuie.  En venant à l’église, on se rappelle que Dieu est toujours prêt à nous accueillir et à nous faire du bien.
Un Dieu qui s’incarne.  À travers tout le récit biblique, on voit que le plus grand désir du Créateur est de « demeurer » au sein de sa création en demeurant au sein de son peuple.  En fait, dans le premier chapitre de la Bible, on voit que Dieu crée l’univers d’une manière qui relève de la culture du Proche Orient Ancien.  En lisant ce texte, les gens de l’antiquité auraient reconnu immédiatement le sens du récit de la création – on a affaire ici avec un Dieu qui crée le cosmos tout comme on crée un temple.  Tout comme c’est le cas avec les temples de l’antiquité, le dernier item qu’on installe dans le lieu saint est l’image du dieu auquel le temple en question est consacré.  Bien entendu, dans la Genèse, l’ « image de Dieu » s’agit bel et bien des êtres humains.  La vision de la Genèse est que l’univers tout entier est la demeure du Créateur; bien entendu, la création est distincte du Créateur, mais la création n’est jamais isolée de Dieu.  Dieu est toujours « en contact » avec le monde qu’il a créé, d’une manière que la présence du Créateur puisse se manifester même dans un buisson ardent, par exemple.  Alors qu’on poursuit le fil du récit biblique, on voit Dieu qui se rapproche du plus en plus à sa création en faisant demeurer sa gloire dans la Tente (c.-à-d. le Tabernacle) à l’époque de Moïse et ensuite, dans le lieu très saint du Temple à Jérusalem, sanctuaire qu’avait été construit par le roi Salomon (voire 1 Rois 8).
De retour à la case départ.  Dans notre première lecture ce matin, on voit le prophète Aggée qui exhorte ses confrères Juifs de rebâtir le Temple de Jérusalem, qui était en ruine à ce moment-là.  Qu’est-ce qui est arrivé entre le moment de la dédicace du Temple de Salomon 4 siècles auparavant et l’époque d’Aggée?  Aggée a exercé son ministère de prophète lors du 6e siècle av. J.-C. – un moment charnière dans l’histoire du peuple de Dieu.  Quelques décennies auparavant, et suite à son infidélité à l’alliance, Israël avait subi la pire des malédictions décrites dans le livre de Deutéronome – l’exil de la Terre promise.  Au début du 6e siècle, les Babyloniens avaient assiégé la ville de Jérusalem et l’avaient détruit ensemble avec le Temple de Yahvé, et avaient déporté la population vers la Babylonie.  C’est intéressant de noter que la Babylonie s’agissait bel et bien de la région ou résidait Abraham au moment où Yahvé l’avait appelé d’entreprendre un voyage vers le Canaan.  15 siècles après qu’Abraham avait quitté son pays, ses descendants se trouvaient à être des captifs dans ce même pays.  On était de retour à la case départ.  À ce moment-là, il semblait que toutes les promesses que Yahvé avait faites à son peuple étaient nulles.  Le peuple de Dieu se trouvait loin de la terre dont Yahvé avait promis à Abraham, Israël subissait les conséquences d’avoir rompu l’alliance, et la lignée royale avait été coupée.  Israël se trouvait sans pays, sans roi, sans identité.  Pire encore – le prophète Ézéchiel avait fait une vision dans laquelle il voyait la gloire de Yahvé quitter le Temple à Jérusalem avant que les Babyloniens le détruisent (voire Éz. 10-11).  C’est trop évident – la seule manière qu’un empire païen aurait pu détruire la demeure de Yahvé était si Yahvé avait abandonné sa maison, et, en même temps, son peuple.  Le peuple d’Israël, en captivité à Babylone, se trouvaient même …sans Dieu.
L’espérance pour le retour de Yahvé.  Et pourtant, ce n’était pas la fin de l’histoire.  Les prophètes d’Israël ont commencé à parler du moment où Yahvé pardonnera à son peuple et lui ramènera dans son pays.  Aussi, les prophètes promettaient au peuple que Yahvé retournera vers son peuple et fera de nouveau sa demeure à Jérusalem.  Par exemple, dans le livre d’Ésaïe, le prophète s’écrie :

« Comme il est beau de voir sur les montagnes les pas du messager d’une bonne nouvelle … qui parle de bonheur … qui dit à Sion: «Ton Dieu règne.» On entend tes guetteurs … ils crient de joie ensemble car de leurs propres yeux ils voient l’Éternel arriver de nouveau à Sion » (És. 52.7-8).

Enfin, le moment de la délivrance est arrivé!  En l’an 539 av. J.-C., les Perses ont vaincu les Babyloniens et le roi Perse Cyrus a permis aux Juifs qui le désiraient de retourner dans leur pays pour rebâtir la ville de Jérusalem et le Temple.  Une minorité des Juifs qui se trouvaient à Babylone a décidé de retracer les pas d’Abraham et d’entreprendre le voyage vers leur pays ancestral, dont la capitale, et le Temple, se trouvait en ruines.  Une fois qu’ils étaient arrivés à Jérusalem, ceux qui étaient revenu de l’exil ont dû faire face à beaucoup d’opposition de la part des peuples qui s’étaient installés dans le pays entretemps.  On peut lire au sujet de cette opposition dans le livre d’Esdras.  Telle était l’opposition aux projets des rescapés de Babylone que certains d’entre eux disaient « Le temps n’est pas encore venu de rebâtir la maison du Seigneur! » (Aggée 1.2).  On peut comprendre le désir des rescapés de vouloir assurer leur propre sécurité et bien-être en bâtissant d’abord leurs propres maisons.  Après le long voyage dangereux qu’ils venaient d’entreprendre, ils ne voulaient sûrement pas passer beaucoup de temps, maintenant qu’ils se trouvaient sur le site de la capitale, à habiter des abris temporaires.  Ils voulaient construire des maisons et, on pourra dire, rattraper leur souffle.
Yahvé a besoin d’une maison.  Et pourtant, Aggée insiste qu’il faut rebâtir le Temple si on veut goûter aux bénédictions de l’alliance renouvelée.  Maintenant qu’on se retrouve de nouveau dans le pays que Dieu avait promis à Abraham, il faut accueillir Yahvé en rebâtissant sa maison, afin que sa présence glorieuse puisse encore une fois résider au milieu de son peuple.  Israël n’est pas simplement une nation comme les autres – elle est la nation élue, la nation à travers laquelle Yahvé se révèle au monde.  Rebâtir la maison de Dieu, c’est une affirmation de la part des rescapés de leur identité comme peuple de Dieu, et un rappel qu’ils dépendent de Yahvé pour pouvoir s’épanouir de nouveau dans la Terre promise.  Ultimement, le Temple de Jérusalem était un symbole du désir du Créateur de se rapprocher de sa création.  Éventuellement, un descendant d’Abraham viendra qui, lui, se prétendra lui-même être un nouveau temple; lui dont la venue est décrite par St. Jean comme étant l’arrivée de la gloire de Dieu dans une tente de chair (Évangile selon St. Jean 1.14).

Un rappel.  Encore une fois, ce texte est un rappel pour nous de l’importance de faire de la place pour Dieu dans notre quotidien.  À en croire la Bible, nous devenons ce que nous adorons.  Alors que nous adorons le Dieu qui s’est révélé en et comme Jésus de Nazareth, nous refléterons davantage sa gloire toute autour de nous.  Que Dieu puisse nous soutenir alors que nous œuvrons pour l’accueillir tout comme il nous a accueillis.  Amen.

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